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Le crowdfunding – état des lieux et mode d’emploi – Houria Saoudi

Grande spécialiste du crowdfunding, Houria Saoudi a notamment suivi le CESAM[ref]Certificat d’Etudes Supérieures après Master. Il s’agit d’un DU accessible après 5 années d’études ou une expérience professionnelle solide, validée par une commission adhoc[/ref] Développeur de Projets Innovants porté par l’agence d’innovation de la région Nord-Pas de Calais et l’IAE de Lille, au cours duquel elle a réalisé l’un des premiers travaux de recherche sur le crowdfunding comme un nouveau vecteur de financement pour les entreprises. Également formatrice pour les opérateurs de l’innovation en région Nord-Pas de Calais, Souria a bien voulu partager avec nous son analyse concernant la place du crowdfunding dans le financement actuel des startups et sa vision concernant l’avenir de cette pratique en plein essor.

Houria, vous êtes spécialiste du crowfunding. La volonté de partage n’est cependant pas apparue avec Internet ….

Effectivement, celle-ci est bien sûr très ancienne. Un exemple pourrait être la campagne de souscription pour le financement de la Statue de la Liberté, à laquelle plus de 100 000 français ont participé entre 1875 et 1880.

Le crowdfunding, financement participatif, s’inscrit dans la dynamique des mouvements collaboratifs qu’on a vu apparaître avec la démocratisation d’internet.

Les États-Unis semblent encore en avance dans le domaine. Comment se positionnent les Européens et les Français ? Rattrapent-ils leur retard ?

Si les USA demeurent en tête, l'Europe rattrape progressivement son retard
Si les USA demeurent en tête, l’Europe rattrape progressivement son retard

Effectivement le marché nord américain représente près d’une fois et demie le marché européen. Cependant, on a vu ces dernières années -et ces derniers mois en particulier – une forte accélération des projets soumis et du nombre de participants en Europe. On estime aujourd’hui que les « contributeurs » français sont plus d’un million. On est vraiment passé très rapidement d’un phénomène pratiqué par quelques uns à une participation grandissante. Je pense que plus le phénomène sera connu, plus les contributeurs et les projets déposés seront nombreux.

Combien de plateformes se partagent le marché français ? Quelles sont les plus connues et quelles sont leurs caractéristiques ?

Elles sont très nombreuses, près de 90 ont été créées, mais le modèle économique étant fragile, on estime qu’environ 70 sont aujourd’hui en activité. Initialement, de nombreuses plateformes sectorielles se sont lancées, mais on assiste aujourd’hui à une concentration autour de quelques acteurs: Ulule, MyMajorCompany ont absorbé certains de leurs concurrents par exemple. Et, même si il n’est à ce jour pas encore possible de déposer des projets depuis la France, l’américain Kickstarter draine un volume extrêmement important de contributions françaises. Ce dernier a annoncé sa volonté d’entrer sur le marché français, je pense que cela va bouleverser le paysage actuel du crowdfunding en France.

Quelles sont les différentes formes de crowdfunding ?

Je les sépare en quatre catégories:

Donation: don pur et simple, en général pour un projet caritatif

Reward: sans doute la forme la plus connue. En échange des fonds déposés une contrepartie, symbolique (un autocollant, un badge…) ou substantielle (l’objet convoité, voire la possibilité d’influencer le projet) est remise au contributeur

Equity: il s’agit ici de prendre une participation au capital d’une entreprise à l’occasion d’une levée de fonds. Les sommes recueillies peuvent alors être particulièrement élevées: 145M$ par exemple pour un projet immobilier en Amérique Latine.

Lending: prêt avec ou sans intérêts

Pour mieux comprendre les différentes formes de crowdfunding, on pourra se reporter à l’ouvrage suivant, très pédagogique :

Peut-on décrire le profil type du particulier qui investit sur ces plateformes ?

Le contributeur appartient en général aux catégories dites « innovateurs » et « early adopters » de la population. Il s’implique par compassion, conscience morale ou par curiosité et non par obligation. Il attend une véritable interaction avec le projet et ses porteurs. Il cherche, en contribuant, à appartenir à une communauté.

Dans le cas de l’equity, les mécanismes de déduction fiscale pour investissement dans les PME jouent également un rôle.

À quel moment et à quelles conditions un créateur de startup doit-il se poser la question du crowdfunding ?

Le financement des startups peut-il encore se concevoir sans penser au crowdfunding ?
Le financement des startups peut-il encore se concevoir sans penser au crowdfunding ?

Théoriquement, tout est « crowdfundable ». Cependant, dans la pratique on trouvera deux grandes catégories ouvertes au créateur de startup. Si le produit commercialisé s’y prête, alors on peut mettre sur pied une campagne de reward.

Le produit « idéal » s’adresse aux particuliers et dispose ou peut disposer d’une communauté de « fans » qui seront prêts à prendre le risque d’un pré-achat. Cette communauté sera également l’ambassadrice du produit et de la campagne auprès du grand public.

Le créateur peut également faire appel à de l’equity crowdfunding. On est là dans une démarche de levée de fonds finalement assez classique: les éléments demandés seront les mêmes que ceux demandés par un fonds ou un business angel. Par contre, la dimension « affective » jouera à plein: il faut que le projet intéresse, interpelle. Là où des financiers purs regarderaient des ratios, le contributeur en equity fera peser dans la balance l’affect qu’il a pour le projet.

Le don sans contrepartie est plutôt utilisé pour des projets de type caritatif.

Les taux pratiqués dans le lending sont relativement élevés. Bien souvent un créateur de startup dispose de la garantie d’un ou plusieurs organismes qui lui permettront l’accès au crédit dans le circuit classique, à un taux aujourd’hui beaucoup plus intéressant que sur les plateformes de lending. Les opérations de lending aujourd’hui se concentrent sur des projets qui n’ont pas, pour différentes raisons, accès au crédit auprès des banques.

Dans tous les cas, le succès d’une campagne de crowdfunding va reposer sur la capacité à intéresser, enthousiasmer et rassurer le contributeur.

Il s’agit donc autant d’une démarche marketing que d’une volonté de collecter des ressources financières ?

Le crowfunding est des sujets de recherche de Houria.
Le crowfunding est des sujets de recherche de Houria Saoudi

Absolument. C’est un véritable « projet dans le projet« , qui va mobiliser l’ensemble de l’entreprise, parfois très en amont de la campagne. Le travail sur une campagne peut représenter une charge de plusieurs mois-hommes et donc nécessiter des besoins financiers importants. Une campagne va permettre de structurer la stratégie marketing du projet, tout en apportant un volant de trésorerie.

Quels sont donc pour vous les principaux facteurs clé de succès d’une campagne de crowdfunding réussie ?

Prendre le temps de choisir une plateforme qui correspond le plus au projet qu’on va présenter. Il ne faut pas sous-estimer le travail en amont: je conseille généralement de démarrer la préparation de la campagne 3 à 4 mois avant son lancement.

Il faut être capable de fédérer une communauté autour du projet, de la manière la plus large possible et prévoir un véritable plan media.

Le crowdfunding pour financer son innovation

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