Savez-vous ce qu’est l’institut Godin ? Créé en 2007 à l’initiative des acteurs en région Picardie, l’Institut Jean-Baptiste Godin est le premier Centre de transfert en pratiques solidaires et innovation sociale de France. Jean-Baptiste André Godin est une célébrité dans le monde de l’innovation sociale ainsi que dans l’histoire du socialisme et des expériences de vie communautaire. Né à Esquéhéries le 26 janvier 1817 et mort à Guise le 15 janvier 1888, cet industriel et philanthrope français, inspiré par le socialisme utopique et acteur du mouvement associationniste, est le créateur de la société des poêles en fonte Godin (les cheminées Godin) et du Familistère de Guise.
Il est d’ailleurs enterré dans le jardin de ce dernier[ref]Après avoir acheté un terrain à Guise (dép. de l’Aisne) en 1846, il va, à partir de 1859, concrétiser son rêve de construction du « Palais social ». Ce vaste ensemble architectural qui prendra le nom de « Familistère » (Palais des Familles) devait offrir « par l’habitation unitaire la satisfaction de tous les besoins de la vie humaine avec le minimum de frais et le maximum d’avantages » . Il comptera jusqu’à 500 logements, et regroupera progressivement autour de l’usine: « nourricerie et pouponnat »(en 1862), économat (en 1865), théâtre et écoles (en 1869), buanderie (1870). L’entreprise compte 900 employés en 1867.
En 1871, devenu Maire de la ville de Guise, il est élu député à l’Assemblée Nationale et expose ses idées dans l’ouvrage « Solutions Sociales » qui sera publié pendant la Commune de Paris. Les deux ailes du Famillistère sont achevées en 1879. Après avoir créée la revue « Le Devoir » (en 1878), la Société du Familistère de Guise « Association coopérative du Capital et du Travail » voit le jour le 13 août 1880, elle durera jusqu’en 1968. Godin en sera l’administrateur jusqu’à sa mort. En 1882, le Familistère ne suffisant plus pour loger les ouvriers de l’usine, des bâtiments annexes sont construits.
Jean-Baptiste Godin meurt le 15 janvier 1888. L’entreprise poursuivra l’aventure symbolisée par le succès des poêles Godin (avec 2500 employés en 1926) et maintiendra son statut coopératif jusqu’en 1968.[/ref]. On a beaucoup glosé sur le caractère quasiment totalitaire de cette expérience, quand on la regarde avec nos yeux d’aujourd’hui, mais c’est parce que la volonté émancipatrice qui y a présidé nous est aujourd’hui difficilement compréhensible, tant nous sommes éloignés des conditions de vie des travailleurs de l’époque.
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L’institut Godin[ref]Voici les coordonnées de l’Institut Godin :
6 rue des hautes cornes
80 000 Amiens (France)
03 22 72 49 53
emmanuelle.besancon@institutgodin.fr[/ref] finance des thèses, fait de la recherche et du transfert, toujours dans le domaine de l’innovation sociale. Il vient de publier un rapport intitulé « les capteurs d’innovation sociale », qui vise à mieux caractériser cette forme particulière d’innovation. Ce arpport est disponible à la fin de cet article.
Innovation sociale : ça existe vraiment ?
Bon l’innovation sociale, c’est depuis longtemps un problème. Comme je l’ai déjà dit dans plusieurs articles, la faute originelle est d’avoir utilisé pour comprendre l’innovation une grille de lecture basée sur la technologie. Pas vraiment par choix conscient mais parce qu’elle correspondait au tropisme d’une époque où nous étions dans une « économie de la demande », où les développements technologiques étaient moins dispersés aux quatre coins du monde et où les progrès technologiques allaient nous sauver des dangers dont ils étaient d’ailleurs souvent à l’origine. On pourra en particulier voir ces articles :
- Innovation : quelle définition ?
- Innovation : histoire d’un concept à succès
- Innovation : vers le market push ?
Lorsqu’au siècle dernier j’ai commencé à travailler, on parlait parfois d’innovation sociale quand elle n’était pas technologique. Le concept s’est ensuite un peu complexifié et il a désigné quelque chose de nouveau dans un champ qui n’était pas économique. On a donc appliqué une autre grille de lecture qui était plutôt : est-ce qu’on peut gagner de l’argent avec ça ? Si oui, ce n’était pas une innovation sociale. Cette dernière se cantonnait alors aux idées de nouvelles actions, souvent imaginées par des associations pour mieux répondre aux besoins d’un public de bénéficiaires non solvables ou qui ne payaient pas pour le service dont ils bénéficiaient.
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Certains ont même pensé qu’on ne pouvait concevoir d’innovation sociale si on était une entreprise à but lucratif et qu’il fallait nécessairement avoir un « statut » correspondant à la vocation dont se prévalait l’innovation. En gros seules les organisations de l’économie sociale et solidaire étaient à prendre en compte (associations, SCOP, mutuelles, …). L’absurdité d’une telle position (très française car chaussant les lunettes déformantes de la considération du statut plutôt que de l’observation de la réalité) éclatait lorsqu’on finissait par considérer que les innovations du crédit mutuel étaient forcément plus sociale que celles de la BNP …
Cette vision des choses est de moins en moins répandue. Même si quelques Ayatollah survivent ici et là et, dorénavant, ce qui est le plus souvent considérée n’est ni la technologie, ni le statut de l’innovateur mais bel et bien l’objectif final, le gain social collectif espéré par l’introduction de l’innovation. Il y a quelques mois, j’ai reçu une demande de financement d’une entreprise qui fabrique des armes explosives et qui souhaitait conduire des tests pour rendre plus efficace ses produits …
On voit bien que, sans une lecture « sociale » et critique de la finalité d’une innovation, nous ne faisons que participer collectivement à une course mortifère où personne ne gagne. Nous sommes aveuglés parce que, chacun où nous sommes (entrepreneur, organismes de soutien, pouvoirs publics, …), nous donnons vie à des petites innovations, des changements qui nous paraissent utiles. La finalité sociale, l’impact sur la vie commune, sur l’environnement et la consommation des ressources, tout cela nous ne le prenons que rarement en compte. Nous ne voyons qu’un petit rouage d’une grande évolution qui ne peut qu’aboutir à la catastrophe si nous persistons à ne considérer que « l’utilité économique » d’une innovation et son potentiel de création de richesse monétaire.
Innovation sociale : une grille d’analyse
La grille d’analyse proposée par l’Institut Godin permet de cadrer efficacement un projet. Utilisée intelligemment, elle peut devenir le « Business Model Canvas » de l’innovation sociale. Avant les « capteurs » d’innovation sociale, l’Institut avait déjà développé la notion de « marqueurs » d’innovation sociale. N’entrons pas dans ces distinctions un peu absconses et concentrons-nous sur ce qu’apporte ce livre blanc et comment elle nous aide à nous poser les bonnes questions. 5 dimensions sont retenues :
- Le contexte
- Le processus
- Le résultat
- Les impacts directs
- La diffusion et les changements
le contexte
Il s’agit de l’identification du besoin et de l’aspiration sociale
- Quelle est la provenance du projet ?
- Sur quels constats de départ s’appuie-t-il ?
- Quel est le besoin à (mieux) satisfaire ?
- Quel est le problème à résoudre ?
- Quels sont les bénéficiaires directs du projet ?
- Quel est le territoire couvert par l’action ?
- Ce constat est-il partagé par d’autres acteurs du territoire ?
- Est-il partagé/porté par les bénéficiaires eux-mêmes ?
- Quel est l’idéal vers lequel le projet souhaite tendre ?
- Quels sont les changements visés pour y parvenir ?
le processus
- Collectif
- Qui a initié le projet ? Qui porte le projet ?
- La réponse apportée est-elle produite de manière collective ?
- Quels sont les acteurs qui participent au projet ?
- De quelles manières participent-ils ?
- Quels sont leurs apports ?
- Gouvernance élargie et participative
- Quels sont les acteurs associés à la construction du projet ? De quelles manières le sont-ils ?
- Participent-ils à un comité de pilotage élargi ? Permanent ou occasionnel ?
- Sont-ils intégrés à une instance statutaire ? Laquelle ?
- La gouvernance du projet se traduit-elle par la mise en place d’autres espaces d’expression ou de débat ? Lesquels ? Qui y participe ?
- Ancrage territorial
- Les acteurs mobilisés sont-ils issus du territoire ?
- Le projet s’appuie-t-il sur les ressources humaines, naturelles, économiques du territoire ? Dans quelles mesures ?
- Le projet permet-il de (mieux) coordonner les acteurs sur le territoire ? Comment ?
- Le projet permet-il aux acteurs de se construire une vision partagée du territoire ?
- Modèle économique pluriel
- Le projet s’appuie-t-il sur des ressources hybrides ?
- D’où proviennent les ressources réciprocitaires ?
- D’où proviennent les ressources redistributives ?
- D’où proviennent les ressources marchandes ?
- Ces différentes ressources émanent-elles des acteurs impliqués dans le projet ?
le résultat
- Bien, service, approche
- Quelle(s) forme(s) la réponse apportée prend-elle ?
- Accessibilité
- Quel(s) type(s) d’accès le projet favorise-t-il ?
- Comment cet accès est-il rendu possible ?
- Par quelles actions ?
- Usage et finalité
- Le projet s’inscrit-il dans une logique d’usage ou de propriété collective ?
- L’action s’appuie-t-elle sur des outils spécifiques ?
- S’agit-il d’un moyen/d’un support en vue d’accomplir une finalité plus large ? Laquelle ?
les impacts directs
- Individuels
- Quels sont les impacts positifs générés/les impacts négatifs évités par le projet pour les individus ?
- Organisationnels
- Quels sont les impacts positifs générés/les impacts négatifs évités par le projet pour les organisations privées/publiques ?
- Territoriaux
- Quels sont les impacts positifs générés/les impacts négatifs évités par le projet pour le territoire ?
la diffusion et les changements
- Essaimage
- Le projet s’est-il inspiré d’un projet semblable ?
- A-t-il fait l’objet d’une adaptation au territoire ? Le projet fait-il l’objet d’un processus d’essaimage ?
- Apprentissage
- Les pratiques véhiculées par le projet font-elles l’objet d’une appropriation par les acteurs impliqués/non impliqués ? Par le grand public ?
- Sélection
- les pouvoirs publics favorisent-ils la diffusion du projet ? Comment ?
N’hésitez pas à me donner vos retours sur cette approche. J’essaie de mon côté de mettre en place un outil de qualification de l’innovation qui soit à la fois utilisable par les porteurs de projets et par les organismes financeurs. Bien sur cette réflexion sur l’innovation sociale alimentera cet outil.
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A noter également une expérimentation intéressante (au départ dans la région Nord-Pas de Calais Picardie mais qui s’est étendue depuis). Depuis quelques mois, un fonds a été mis en place par le Conseil Régional, avec le soutien de BpiFrance pour financer les projets d’innovation sociale. Dans quelques semaines, je devrais pouvoir être en mesure de donner quelques exemples de projets financés.
capteurs-is
6 commentaires sur “innovation sociale, enfin une grille d’analyse !”
kakuz.fr je suis très déçu par leurs prestations… Ils ne disent que du pipeau sur leurs références ! Innovation ? Ils n’y connaissent rien… ne vous faites pas avoir !
Bonjour Ernestine, de qui parlez-vous exactement ? de l’institut Godin ?
Bonjour Ernestine,
Je suis le fondateur de l’agence Kakuz et je suis très étonné par votre commentaire !
En effet après vérification il s’avère que nous n’avons jamais échangé avec une Ernestine, je vous invite donc à nous contacter directement sur contact@kakuz.fr.
Concernant nos références, si vous doutez de celles-ci nous pouvons fournir des photos, des vidéos, des témoignages….
Concernant l’innovation, je vous invite à consulter le parcours ce mes collaborateurs et moi-même. De plus nous avons plus de 1 000 startups référencées, si vous doutez également nous vous proposons une sélection des 50 meilleures innovations de votre secteur / métier gratuitement.
Notre nouvelle animation de contrôle de drone par la pensée a connu un véritable succès chez Oracle et je serai ravi de vous mettre en relation pour qu’ils vous partagent leurs retours d’expériences.
Bonjour Kevin, je ne sais pas qui est Ernestine (d’ailleurs, elle ne m’a pas répondu) mais en tous les cas, je serais très heureux de poursuivre la discussion avec vous ! Ce que vous annoncez dans votre commentaire me met l’eau à la bouche 🙂