Les « sciences » de gestion sont pleines de paradoxes. Par exemple pour qu’une entreprise soit performante, elle doit à la fois innover, s’adapter en permanence à son marché et, en même temps, industrialiser ses processus, réduire l’incertitude et les initiatives individuelles. Elle doit tout à la fois « refaire le même » de mieux en mieux et « inventer du nouveau » régulièrement. L’innovation est sûrement un des domaines où se retrouvent le plus de ces paradoxes, tant elle a besoin des ressources de chaque individu mais également de celles du groupe pour s’exprimer. Libérer les talents et, en même temps industrialiser leur exploitation, tout cela ressemble à une gageure pour la plupart des dirigeants ou des cadres en entreprise.
Pour innover, il faut générer beaucoup d’idées mais il faut aussi en faire quelque chose. Il faut les recenser, les classer, les évaluer, en promouvoir certaines et en laisser d’autres mourir. Tout cela doit être intégré dans les processus et l’organisation de l’entreprise, sans décourager les initiatives … On le voit la tâche est presque insurmontable et la plupart des dirigeants tâtonnent pour essayer d’aboutir aux solutions les plus efficaces globalement. Voici quelques interrogations fréquemment rencontrées chez les dirigeants.
Dois-je soutenir l’individu ou le groupe ?
Première question : dois-je promouvoir les talents individuels ou privilégier l’harmonie et l’entraide dans les équipes de travail ? Faut-il accorder une place particulière aux personnes géniales, quitte à générer des frustrations ou des jalousies, ou au contraire chercher à faire contribuer chacun aux résultats, aux prix d’une moindre performance ?
Au-delà des décisions managériales, la culture de l’entreprise répondra en grande partie à cette question. Le secteur sur lequel elle opère et les contraintes stratégiques auxquelles elle est soumise sont également importantes (s’agit-il d’une activité réglementée ou la sécurité est vitale par exemple ou, au contraire, d’une activité à haute intensité créative où la concurrence est vive et où il faut aller très vite ?).
L’AFNOR de son côté semble avoir fait un choix puisque dans sa norme consacrée au management de l’innovation, l’agence précise clairement qu’un « certain niveau de conflit stimule le débat et la créativité et constitue un élément essentiel pour le processus d’innovation ». Ce qui est ici indiqué comme une évidence me parait pourtant très contestable.
Dois-je privilégier l’expérimentation ou la performance ?
Plus une organisation consacre de ressources à expérimenter et plus elle se désorganise. L’expérimentation entraine en outre du temps d’apprentissage, de recherche d’informations, de transmission de ces informations (via la multiplication de réunions, de mails, de rapports, …). La performance économique immédiate de l’entreprise s’en trouve donc affectée. A contrario, une entreprise qui ne conduirait aucune expérimentation serait figée dans ses processus internes et rapidement dépassée par ses concurrents. C4est un autre des paradoxes de l’innovation.
Quelle est le bon dosage ? Là-aussi, il n’y a pas de réponse toute faite et, en fonction des cultures d’entreprises et des secteurs d’activité, la réponse peut varier (suis-une startup de la fintech ou un cabinet notarial ? …).
L’association pour le management de l’innovation a théorisé la nécessité qu’une partie des ressources soit consacrée à « l’adaptation », à côté de celles normalement dévolues « à l’exploitation ». L’auto-diagnostic proposé permet de mesurer la performance de son organisation au regard de cet objectif.
Autodiagnostic innovation pour connaitre la maturité de son entreprise
Dois-je avoir une stratégie d’innovation à long terme ou aller le plus vite possible ?
On parle beaucoup de « stratégie d’innovation ». On en parle beaucoup plus qu’on n’en voit réellement dans les entreprises. Beaucoup pensent qu’il y a opposition entre l’idée de formuler une stratégie d’innovation à 3-5 ans et celle d’aller vite, de saisir les opportunités, … C’est un autres des paradoxes de l’innovation. Le tout est de ne pas considérer sa stratégie d’innovation comme un document « indépassable » et figé. Comme la « stratégie marketing », on peut d’ailleurs dire que la « stratégie d’innovation » n’existe pas. C’est un objet qui est au service de la stratégie globale de l’entreprise. Ici aussi, la « stratégie d’innovation » a un but : adopter l’organisation qui permettra la collaboration, l’expérimentation et l’intégration des nouvelles idées.
Dois-je m’appuyer sur mes collaborateurs ou les convaincre que ma vision est juste ?
Les deux mon capitaine. Il n’est plus possible de ne pas tenir compte des idées, envies ou fulgurances des collaborateurs. Les compétences sont plus distribuées que jamais au sein des organisations et le rôle des managers et des cadres a profondément changé. Chacun ayant potentiellement beaucoup d’idées, les exprimant et souhaitant qu’elles soient prises en compte, le risque de cette situation est le bordel, le conflit et le chaos si un minimum de règles et de procédures de fonctionnement de sont pas instaurées et respectées.
Une chose n’a pas changé. Les dirigeants de l’entreprise doivent avoir une vision, une stratégie et les partager avec tous les collaborateurs de l’entreprise. La difficulté aujourd’hui est de créer ces espaces de liberté, d’expression, d’expérimentation dans lesquels les collaborateurs pourront exercer la liberté à laquelle ils aspirent.
Pour en savoir plus sur les paradoxes de l’innovation
Les leçons et les outils pour le management de l'innovation |
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Quelques ouvrages de référence
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une entrepris
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