Les modèles économiques nouveaux voire avant-gardistes sont un des moteurs de l’innovation et du progrès dans nos sociétés contemporaines. Parmi ceux-ci, le mouvement des makers illustre parfaitement cette tendance, en bouleversant les paradigmes traditionnels de production et en favorisant une innovation ouverte et participative. La co-création s’appuie sur cette dynamique pour développer des produits et services qui répondent mieux aux attentes des consommateurs, tout en stimulant l’engagement et la créativité collective. L’économie inclusive et l’économie circulaire sont des réponses à l’urgence de modèles plus durables et équitables, réduisant les inégalités et optimisant l’utilisation des ressources. L’économie du partage, quant à elle, redéfinit la consommation en mettant l’accent sur l’accès plutôt que la possession. Ces modèles économiques sont essentiels pour construire une économie résiliente, capable de s’adapter et de prospérer face aux défis environnementaux et sociaux du XXIe siècle. Voici donc un article qui ne fera malheureusement qu’effleurer certains sujets qui seront approfondis par la suite.
- Dans cet article
- Les makers
- La co-création et l'intelligence collective
- L'économie inclusive
- L’économie circulaire
- L'économie du partage et l'intelligence collective
- Ressources
Plusieurs tendances contribuent donc actuellement au renforcement de l’intelligence / l’ingéniosité collective:
- le mouvement des makers
- la co-création
- l’économie inclusive
- l’économie circulaire
- l’économie du partage
Les makers
Déjà évoqué dans cet article, le mouvement des makers est parfois confondu avec le « Do it yourself ». Si on peut associer la formule « Do it yourself » au bricolage ou à la débrouillardise, le mouvement des makers va plus loin et ses racines sont anciennes. En bref, il concerne toutes les activités où l’on n’est pas seulement spectateur ou consommateur. Il s’agit d’échanger ses connaissances, sa culture, son information, de débattre et de décider de façon collaborative et distribuée (ex : Wikipédia). Il s’agit également de participer au recyclage (consumériste, technologique ou culturel), d’auto-éditer des livres, des magazines ou des bandes dessinées. On intègre aussi dans ce mouvement la création artisanale comme le tricot, la couture, les bijoux faits à la main, la céramique, … et, en informatique, les logiciels libres, ou le hack. L’apparition un peu partout de fab labs permet à tout un chacun de participer plus facilement au mouvement « do it yourself ».
Le « bio-hacking » est parfois appelé « biologie participative » désigne une approche de la biologie non liée aux laboratoires académiques ou industriels. Il exprime l’expérimentation, en particulier sur les propriétés de l’ADN et d’autres aspects de la génétique, dans le cadre ou en dehors du cadre académique, gouvernemental ou des laboratoires. Les bio-hackers sont comparables aux hackers informatiques dans leur approche ouverte de leur champ d’étude
Enfin, on peut attacher le « crowdfunding » (voir cet article) à cette tendance car elle permet à un individu de s’appuyer sur le grand public pour le financement de ses projets. C’est un exemple tout à fait frappant de ce qu’est « l’intelligence collective ».
La co-création et l’intelligence collective
On range dans cette catégorie tout ce qui permet d’impliquer les utilisateurs ou les clients dans le processus de création des produits ou des services.
Outre l’hybridation de la chaine de valeur où entreprises et acteurs sociaux collaborent pour créer plus de valeur, on peut ici penser à la « Mass Cutomization » où une entreprise donne les moyens à ses clients de personnaliser un produit ou un service afin que celui-ci devienne le plus unique possible. Mais les phénomènes les plus marquants dans ce domaines ont été ces dernières années « l’open source » et la le « crowdsourcing ». L’Open Source a profondément modifié la façon dont le développement informatique est envisagé et les solutions Open Source1 concurrencent depuis longtemps les solutions dites propriétaires.
Le « crowdsourcing », ou externalisation ouverte ou production participative, est l’utilisation de la créativité, de l’intelligence et du savoir-faire d’un grand nombre de personnes (intelligence collective) pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur.
L’économie inclusive
L’Union Européenne a demandé à toutes les régions en Europe d’élaborer des stratégies de recherche et d’innovation qui soient « inclusives », c’est-à-dire qui s’appliquent à « n’exclure personne » des bienfaits du progrès et du développement économique. Plus facile à dire qu’à faire. Parmi les tendances au niveau mondial qui semblent s’inscrire dans cette volonté, on peut citer « l’entrepreneuriat social » ou le « conscious capitalism » (qui pour l’instant ne me convainquent pas vraiment et ressemblent plus à du « social washing » d’entrepreneurs ou de grosses entreprises dont la richesse indécente finit par nuire aux affaires).
Le social washing est assez similaire au greenwashing, à ceci près que les entreprises tentent à tort de se présenter comme des personnes socialement responsables. Les droits du travail, les droits de l’homme des employés et des communautés au sens large, l’égalité des sexes et la discrimination au sein des entreprises sont autant de sujets sur lesquelles certaines entreprises tentent d’apparaitre engagées.
Les mouvements « Jugaad » et « Frugal » partent des contraintes auxquelles sont confrontées les populations, dont les plus pauvres, pour trouver des solutions innovantes à leurs besoins. Le processus d’innovation frugale amène à réduire la complexité et le coût de la chaîne de réalisation et de la solution créée dans un contexte où l’innovateur a généralement peu de moyens et où ses solutions doivent pouvoir adresser un marché Bottom of the Pyramid2. La solution créée est épurée à son maximum pour répondre précisément au besoin sans concession sur ce dernier et sans ajout superflu. Cette simplicité de solution permet à l’innovateur de diminuer ses coûts, ainsi ses prix, pour finalement rendre sa solution accessible sur un marché pour lequel les solutions occidentales sophistiquées sont souvent inabordables. L’implémentation et les moyens de réalisation doivent être allégés et les plus efficaces possibles, d’une part pour diminuer coûts et prix, d’autre part car les moyens à disposition de l’innovateur frugal sont généralement réduits. Ceci nécessite d’avoir connaissance des besoins réels des consommateurs et de partir de cette connaissance pour innover.
L’économie circulaire
L’économie circulaire est une expression générique désignant un concept économique qui s’inscrit dans le cadre du développement durable et qui s’inspire notamment des notions d’économie verte, d’économie de l’usage ou de l’économie de la fonctionnalité, de l’économie de la performance et de l’écologie industrielle (laquelle veut que le déchet d’une industrie soit recyclé en matière première d’une autre industrie ou de la même). Elle s’appuie sur l’intelligence collective (« éco-innovation », « crade to cradle », « biomimetics », …) et son objectif est de produire des biens et services tout en limitant fortement la consommation et le gaspillage des matières premières, et des sources d’énergies non renouvelables.
L’économie circulaire, en redéfinissant notre rapport aux ressources, ouvre la voie à une prospérité durable qui s’harmonise avec les cycles naturels de notre planète. Ce modèle économique repose sur la valorisation maximale des ressources à chaque étape de leur cycle de vie, transformant ce qui était autrefois considéré comme des déchets en précieuses matières premières. En adoptant des principes tels que la conception pour la réutilisation, les entreprises et les consommateurs deviennent des acteurs clés dans la réduction de l’empreinte écologique. Les stratégies comme le refurbishing, le remanufacturing et le recycling ne sont pas seulement des choix éthiques, mais également des leviers économiques qui stimulent l’innovation et créent de nouveaux marchés. En outre, l’économie circulaire favorise une collaboration transsectorielle, où les industries, les gouvernements et les citoyens co-créent des solutions pour un avenir plus résilient. Ainsi, elle incarne un changement fondamental dans la manière dont la société perçoit et utilise les ressources, posant les bases d’une économie qui prospère en équilibre avec l’écosystème terrestre.
L’économie circulaire repose sur trois grands axes :
- mieux produire avec moins de ressources,
- consommer de manière plus responsable,
- recycler efficacement pour pouvoir réinjecter les ressources dans la fabrication de nouveaux biens et services.
L’économie du partage et l’intelligence collective
L’intelligence collective se manifeste également dans les phénomènes de consommation collaborative. AirBnB, Uber, blablacar, partage d’espaces de stockage, de nos bibliothèques, d’appareils de bricolage, … l’économie du partage semble devoir révolutionner tous nos modes consommation à court terme. Dans une tribune publiée en 2015, Navi Radjou et Jaideep Prabhu affirment : « Le marché mondial des produits et services partagés devrait croître considérablement de 15 milliards de dollars aujourd’hui à 335 milliards de dollars d’ici 2025, sans nécessiter aucun investissement majeur. La Commission européenne prévoit que le partage « peer-to-peer », qui représente un stimulant pour le marché du travail en stagnation, va se transformer en élément perturbateur de l’économie. » Aussi, ils annoncent l’avènement d’une « économie modeste » qui pourrait créer des millions d’emplois et générer des milliards de dollars de profit, mais ferait de nombreux perdants au passage.
Ces perdants étant les grandes entreprises « soutenues par d’énormes budgets de R&D et par des structures organisationnelles fermées, ne sont pas conçues pour répondre aux besoins des consommateurs soucieux du coût et de l’environnement, qui cherchent plus et mieux pour moins cher ». Nous traversons donc une période de transition compliquée. Ce qui explique le succès des grandes marques de l’économie du partage, c’est une extraordinaire capacité à combiner l’excellence opérationnelle des plateformes avec une intense dimension humaine et émotionnelle de la relation entre internautes « demandeur » et « offreur » de service. C’est précisément cette combinaison qui fonde l’esprit de service aujourd’hui et qui explique le succès irréversible de l’économie du partage.
Voilà pourquoi nos décideurs devraient arrêter de voir dans AirBnB ou d’autres plateformes de ce type des ennemis à combattre mais au contraire travailler à renforcer ce mouvement, dont les externalités positives dépassent de loin les inconvénients !
Voilà pour les principales tendances constatées dans l’émergence d’une intelligence collective rendue possible par l’évolution technologique et la conscience de plus en plus forte des enjeux environnementaux et sociaux.
Ressources
- La désignation open source, ou « code source ouvert », s’applique aux logiciels dont la licence respecte des critères précisément établis par l’Open Source Initiative, c’est-à-dire les possibilités de libre redistribution, d’accès au code source et de création de travaux dérivés. « Open source » désigne un logiciel dans lequel le code source est à la disposition du grand public, et c’est généralement un effort de collaboration où les programmeurs améliorent ensemble le code source et partagent les changements au sein de la communauté ainsi que d’autres membres peuvent contribuer. ↩︎
- Le bas de la pyramide. Le bas de la pyramide des richesses, le bas de la pyramide des revenus ou la base de la pyramide est le groupe socio-économique le plus grand, mais le plus pauvre. Au niveau mondial, il s’agit des 2,7 milliards de personnes qui vivent avec moins de 2,50 dollars par jour ↩︎
Commentaire sur “L’intelligence collective au service de l’innovation”