Combien vaut ma start-up ?

I want to be a millionaire ! combien vaut ma start-up ? Suis-je enfin devenu riche après un an à travailler sur cette application révolutionnaire qui met en relation les fans de croisières et les propriétaires de yachts ? Le concept révolutionnaire, auquel j’ai pensé ce matin, d’une plateforme permettant à un groupe d’amis d’organiser la préparation d’un repas vaut-il déjà 1 ou 10 millions d’euros ? Malgré l’intérêt des projets de start-up qui se multiplient partout en France et dans le monde, l’impression est tenace d’une bulle comme l’informatique en a déjà connu. Les valorisations les plus médiatiques crèvent les plafonds et dépassent celles d’entreprises centenaires dont les profits sont parfois très importants. L’époque a changé et il parait déjà loin le temps où les entrepreneurs ne créaient pas une start-up mais une entreprise, lorsque leurs efforts étaient focalisés sur la recherche de leurs premiers clients, la consolidation de leur marché de départ -souvent local- et qu’ils imposaient à leur entreprise un rythme de croissance mesuré et prudent, souvent pour limiter l’endettement et la dilution. La situation est devenue si complexe qu’il est presque impossible de répondre à la question : combien vaut ma start-up ?

L’impression est tenace d’une bulle comme l’informatique en a déjà connu

start-up, des valorisations extrêmes ?

Les valorisations atteintes par les start-up stars sont absolument énormes et impriment parfois durablement dans l’esprit des créateurs des objectifs difficilement justifiables. Pour mémoire, une entreprise comme Peugeot SA était valorisée seulement 11 Mds € pour un chiffre d’affaire de 57 Mds € et un cash-flow de 38 Mds € en 2015 ! Voici quelques exemples des start-up « milliardaires » :

SociétéSecteurValorisation (mds $)Fonds levés (mds $)Dernière valorisationPays
UberServices mobiles517,4Août 2015États-Unis
XiaomiFabricant électronique461,4Décembre 2014Chine
AirBnbServices web25,52,3Juin 2015États-Unis
PalantirLogiciel201,6Octobre 2015États-Unis
DianpingServices Web18,33,3Janvier 2016Chine
Didi KuaidiServices mobiles164Septembre 2015Chine
SnapchatServices mobiles161,2Mai 2015États-Unis
WeWorkServices Web164Septembre 2015États-Unis
FlipkartE-commerce153Avril 2015Inde
SpaceXAstronautique121,1Janvier 2015États-Unis
PinterestServices Web111,3Mars 2015États-Unis
DropboxLogiciel100,6Janvier 2014États-Unis
LufaxServices Web9,60,5Mars 2015Chine
TheranosBiotech90,4Juin 2014États-Unis
SpotifyServices Web8,51Avril 2015États-Unis
DJIFabricant de drones80,1Mai 2015Chine
Zhong An OnlineServices Web80,9Juin 2015Chine
UberChinaServices mobiles71,2Janvier 2016Chine
LyftServices mobiles5,51,4Janvier 2016États-Unis

Chine et USA sont les patries des licornes et des start-upLa domination des États-Unis et de la Chine est sans appel. Les start-up de qualité ne se créent-elles que dans ces deux pays ou bien sont-ce les conditions particulières de financement des entreprises sur ces marchés qui expliquent une telle situation ? Le financement privé (private equity) est disponible en abondance: « Alors qu’il y a 20 ans, il fallait entrer en bourse pour lever des capitaux, à présent vous avez 100 milliards de dollars disponibles par an en capital-risque ». Il semble toutefois que la situation se normaliser progressivement entre nouveau et vieux continent, comme l’indique cet article qui montre que si l’écart entre les start-up installées dans la Silicon Valley et celles du Vieux Continent est encore grand, il tend à se résorber. Depuis plusieurs années, l’écosystème européen est bien plus propice pour la croissance des jeunes pousses et avoir ses bureaux en Californie n’est apparemment plus une condition sine qua non pour devenir un géant du Web. En huit ans, le nombre d’accélérateurs et d’incubateurs européens a augmenté de 400 %[ref]Rien que dans la région Hauts de France, derrière le vaisseau amiral Euratechnologies, se sont créés plusieurs autres incubateurs publics et privés : la plaine images à Roubaix / Tourcoing, Tonic incubation à Lille, Tektos à Calais, l’incubateur situé à proximité du Louvre – Lens, les initiatives plus ou moins visibles de la famille Mulliez, … [/ref]. Plus encadrées, les start-up européennes bénéficient aussi d’un meilleur accès aux financements. Sur le premier semestre, elles ont levé 6,9 milliards de dollars, soit 86% de plus sur un an. Investissements publics à la hausse notamment via BpiFrance, soutien du gouvernement avec le label « French Tech »[ref]Voir cet article pour un avis critique : Mais lâchez-nous avec vos start-up ! [/ref] et qualité de formation des ingénieurs font partie des points forts des start-up françaises, dont quelque 12.000 ont leur quartier à Paris, selon une étude de Roland Berger. Mais celles-ci pâtissent encore d’une mauvaise réputation, selon laquelle le pays aurait perdu son esprit d’entreprendre (voir aussi : Écosystèmes d’innovation. Pourquoi ça foire ?). En tout, la valorisation cumulée des 30 plus grandes start-up européennes, y compris celles cotées en Bourse, s’élève à 110 milliards de dollars contre 700 milliards pour celles de l’autre côté de l’Atlantique. Un rapport encore de 1 à 7 donc.

start-up, des valorisations parfois justifiées ?

La plupart des start-up qui ont réussi ont « disrupté » leur marché. Derrière cet autre anglicisme se cache l’idée qu’elle ont complètement revu la « chaine de valeur » du marché sur lequel elles opèrent. En clair, la valeur ajoutée créée tout au long de la production du service ne se répartit plus de la même façon. Elles ont « capté » une part de la valeur traditionnellement dirigée vers les acteurs économiques historiques. Parfois elles ont partiellement augmenté la taille du marché (par exemple Über a permis à des clients qui n’utilisaient pas régulièrement les services d’un taxi de bénéficier de ce service), parfois elles l’ont simplement « vampirisé ». On pourra se reporter à cet article : Qui a peur de l’innovation de rupture ? pour en savoir plus. Bien sûr, les valorisations prennent en compte le potentiel de disruption qu’une start-up est à même d’apporter sur un marché, et non son chiffre d’affaire actuel ou ses résultats passés.

L’innovation disruptive se manifeste par un accès massif et simple à des produits et services auparavant peu accessibles ou coûteux. La disruption change un marché non pas avec un meilleur produit – c’est le rôle de l’innovation pure -, mais en l’ouvrant au plus grand nombre. On pourra également se reporter aux travaux de Clayton Christensen et à cet article : L’innovation de rupture, c’est quoi ?.

La plupart des start-up dont il est question ne sont donc pas toujours à proprement parler innovantes. On peut même souligner le paradoxe qui consiste à vouloir créer sur notre territoire des « géants du numérique » dont on déplore par ailleurs l’extra-territorialité, surtout quand elles doivent s’acquitter de leurs impôts (voir cet article réagissant à la solidarité des GAFA après les attentats de Paris : Facebook, google, Apple, merci mais la solidarité c’est de payer ses impôts en France). On peut également souligner l’écart entre l’importance médiatique et la valeur capitalistique de ces entreprises d’une part et l’activité économique réelle qu’elles génèrent sur un territoire d’autre part.

De la possibilité d’une bulle …

Je reprendrais certains des termes utilisés par Frédéric Lasnier[ref]CEO et président de Pentalog, dans cet article : http://www.frenchweb.fr/start-up-historiquement-toutes-les-bulles-se-forment-suite-a-une-elevation-brusque-du-niveau-de-connerie/212104 [/ref]. Il souligne qu’attirés par les perspectives incontestables et révolutionnaires de l’économie digitale, le moindre développeur, le petit financier, le markéteur pubescent, tous sont convaincus d’une chose : il doivent tenter l’aventure, il ne reste qu’à trouver l’idée ! Et pour le premier financement, on fera avec les économies des parents. C’est vrai que l’effervescence de tous plaide pour les symptômes d’un bulle. Tout est là pour aider les stratupers : des bureaux pas chers et animés, des gens pour apprendre à pitcher, des mentors [pas toujours adaptés] au nouveau contexte, des concours de pitch, des foires internationales, [des start-up weekends comme s’il en pleuvait] …

Les bulles se suivent. Combien vaut ma start-up ?Frédéric Lassier dit « avoir vu tellement de dossiers sans marché d’usages se monter, se financer grassement, en argent privé et même public (en France), gaspiller leurs ressources dans ce tourbillon d’attrape nigauds, [qu’il pense possible] la formation d’un tsunami d’échec des projets, qui pourrait finir par compromettre la confiance que méritent simultanément la technologie et les nouveaux usages. La France est le paradis de l’investissement early stage, qu’on se le dise, et le désert des tartares, dès lors que la pyramide de la survie et de la qualité s’amincit. Tropisme socialiste en pleine révolution libérale ? ».

Même si je n’ai pas son expérience, je ne peux que souscrire aux interrogations soulevées par M. Lassier. J’ai moi-même très souvent été confronté à ces situations où des projets ont vu arriver sur eux très rapidement beaucoup d’argent, sans même que soit sérieusement interrogé leur potentiel, en particulier à la fin de l’année, lorsque les recherches d’exonérations d’ISF ou d’IR deviennent désespérées. Tous ces projets qui sont plus intubés qu’incubés finissent invariablement par péricliter. L’argent public, qu’il provienne de l’état ou des collectivités, ne fait souvent qu’aggraver la situation en venant gonfler indistinctement les moyens privés mis sur la table par des investisseurs terrorisés à l’idée de rater le bon dossier parmi tous ceux auxquels ils ne comprennent pas toujours tout.

Des projets plus intubés qu’incubés

Comment éviter de trop souffrir lorsqu’éclatera la bulle (car elle éclatera) ? Redonnons la parole à Frédéric : « Le voyage initiatique dans la Valley fait partie de ces bêtises vendues par certains. Bossez, benchez, apprenez à vendre, à concevoir des partnerships, à lever, à générer de la croissance ! Mais de grâce, ne tombez plus dans les offres de réseautages non prouvées. Fuyez les mentors hors digital, avec les meilleures intentions… ils vont vous tuer direct. Visez grand, mais pas à pas, réduisez le temps entre les pas« .

 

https://www.youtube.com/watch?v=G6K1QHofJRM

 

Bon, alors finalement, combien vaut ma start-up ?

Combien vaut ma start-up ? Première réponse : impossible de le dire. Évaluer une start-up est un peu plus complexe que l’achat d’un bail commercial de boulangerie. Il n’y a pas de méthode reconnue, ni même possible, de valorisation pour une startup. De même que tous les business plans finissent invariablement par montrer des bénéfices très importants en année 3, calculer par exemple la valeur d’une start-up sur la base des profits espérés dans les 3 à 5 ans ne démontre que sa maitrise à utiliser un tableur.

Comme l’écrit Guilhem Bertholet, « il y a pourtant quelques éléments à prendre en compte… La qualité de l’équipe, le relationnel avec les investisseurs, l’actualité et la taille du marché, […], la capacité d’exécution des fondateurs, un premier CA, une techno maîtrisée, une vraie connaissance intrinsèque du marché… En aucun cas des choses mathématiques que l’on pourrait mettre dans des cases sur Excel pour parvenir à un compte rond bien satisfaisant… C’est donc la plupart du temps sur des éléments subjectifs (que l’on cherche à rationaliser pour se rassurer) que la décision va être prise ». Pourtant de nombreuses sociétés proposent des logiciels pour calculer la valeur d’une start-up. Les résultats sont souvent … approximatifs. 

Timing, dynamique dans laquelle se trouve votre projet, tout cela compte. Après quelques mois de bonnes nouvelles (sortie de nouvelles fonctionnalités, premier chiffre d’affaires, belles recrues, …) et la valorisation de votre start-up sera bien meilleure que si vous luttez depuis plusieurs mois contre les coups du sort, si vous vous serrer la ceinture, si vos concurrents font la une de la presse, …

Attention également, autant que la valorisation, les clauses du pacte d’associés sont importantes. Il existe tout un tas de façons de revaluer ou de diluer les différentes parties autour de la table. Par exemple en forçant l’entrepreneur à « donner » une partie de ses parts s’il ne tient pas les promesses qu’il a pu faire lors de la signature des pactes et de la levée. L’inverse marche aussi, d’ailleurs. Au-delà de la valorisation, c’est donc bien l’ensemble des conditions qu’il faut regarder.

De toute manière, l’important est de continuer à jouer

Guilhem Bertholet

Finalement, c’est assez simple… L’entrepreneur doit surtout se poser la question suivante : pour franchir la prochaine étape de mon développement, de combien ai-je besoin, et quelle part de contrôle suis-je prêt à abandonner (contrôle de l’entreprise et capital n’étant d’ailleurs pas toujours liés) ? Votre capacité de persuasion est très importante, prenez conseil auprès d’autres entrepreneurs (qui ont déjà réussi) sur les montants de valorisation acceptables par le marché, partez un peu plus haut dans vos discussions, soyez réactifs et souples pour savoir repérer les investisseurs qui vous feront grandir et sauront vous accompagner dans les prochaines étapes, et concentrez-vous sur votre business à partir du moment où vous avez les moyens nécessaires pour accomplir votre rêve ! Comme le dit Guilhem : « l’important est de continuer à jouer, si vous gagnez vous serez de toute manière riche ! ».

Pour en savoir plus

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