Coup sur coup (et non coûts sur coûts comme certains esprits chagrins pourraient le penser !), les recommandations pleuvent sur trois outils partenariaux de politiques publiques d’innovation : pôles, SATT et IRT. Le CESE publie un avis s’interrogeant sur quelle politique pour les pôles de compétitivité ? Le sénateur rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » qualifie les SATT de structures de valorisation de la recherche publique qui doivent encore faire la preuve de leur concept. Le rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissement d’avenir, le « jaune » budgétaire » estime que les instituts de recherche technologique démontrent au quotidien qu’ils sont en mesure de concevoir et d’entreprendre de nouveaux projets collaboratifs en six mois environ ce qui est mieux que tout autre dispositif de recherche partenarial bénéficiant d’un soutien public national ou européen.
Cet article a initialement été publié sur le blog http://science-innovation-developpement.com
Les pôles de compétitivité
Pôles, SATT et IRT ? S’agissant des pôles de compétitivité, leur création en 2004 avait pour objectif de regrouper et faire travailler en synergie sur un même territoire des entreprises, des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche au profit de projets d’innovation, afin de dynamiser la compétitivité de l’industrie française. En 2017, l’objectif de décloisonnement des acteurs de l’innovation et de leur mise en réseau est atteint. Pour le CESE, il s’agit désormais de transformer l’innovation en produits et services créateurs de richesses et d’emplois, au service des transitions et en cohérence avec les neuf solutions industrielles de l’Industrie du futur. Il souligne le besoin d’approfondir et compléter les évaluations des pôles, qui serviront à engager une nouvelle phase de leur activité. Il livre dans cet avis son analyse des conditions d’une nouvelle dynamique des pôles et formule 12 recommandations pour les aider à passer de « l’usine à projets » à « l’usine à produits » et services :
- Mieux caractériser les pôles et leurs échelles d’action
- Faciliter les coopérations interpôles
- Développer une méthodologie partagée d’évaluation
- Tirer les leçons de l’évaluation en engageant des actions correctrices graduées
- Assurer une convergence d’intérêts entre partenaires tout au long de la vie des projets, notamment sur les questions de propriété intellectuelle
- Instaurer un lieu d’échange et de partage d’informations sur les enjeux
- Lutter contre le saupoudrage et assurer une sélectivité rigoureuse lors du financement des projets
- Concentrer les financements sur l’innovation et le développement des produits et services
- Anticiper collectivement les risques d’innovation
- Accompagner la numérisation des entreprises adhérentes ou qui souhaitent s’associer à un pôle
- Veiller à la cohérence globale des objectifs, des stratégies de filière aux pôles de compétitivité
- Anticiper les évolutions et développer l’emploi dans leurs filières ou champs thématiques de compétences et dans les territoires
Les SATT
Créées en 2010 dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) ont pour objet de répondre à certaines des lacunes du système de valorisation français : le manque de financement de la maturation et de la « preuve de concept », d’une part, des services de valorisation insuffisamment développés voire inexistants au sein des différents établissements de recherche, en particulier au sein des universités, d’autre part. Après une mise en place parfois longue et tardive, 14 SATT sont désormais opérationnelles. Les SATT répondent globalement à l’un des principaux objectifs qui leur étaient assignés en finançant la maturation et la « preuve de concept ». Entre 2012 et 2016, près de 215 millions d’euros ont ainsi été dépensés par les SATT, pour 1 388 projets soutenus. Malgré le développement de leur activité, les recettes de ces sociétés restent, pour l’heure, limitées, en particulier celles issues du transfert de technologies, avec seulement 15 millions d’euros sur l’ensemble de la période, un montant bien faible au regard de ces 215 millions d’euros engagés. Tirant un bilan des SATT contrasté même s’il est encore trop tôt pour juger pleinement de leurs résultats et de leur pertinence, le rapporteur spécial du Sénat formule 19 recommandations résumées ci-dessous :
- Garantir une plus grande proximité avec les chercheurs…
- Développer la détection et ensuite le transfert de technologies dans certains domaines de recherche apparaissant davantage sous-exploités, par exemple les sciences humaines et sociales.
- Augmenter les chances de réussite et renforcer les liens entre les SATT, les chercheurs et le secteur économique …
- Conserver le principe d’une activité principale de maturation et de transfert des projets soutenus, en veillant à ce que les SATT ne multiplient pas trop les activités annexes…
- Renforcer le pilotage national, notamment par une fiabilisation et une stabilisation des données disponibles sur l’activité et les résultats de l’ensemble des SATT.
- Prévoir la représentation des SATT au sein du comité national de gestion, en s’appuyant par exemple sur le réseau des SATT pour désigner la personne idoine.
- Progresser dans le développement du réseau des SATT.
- Poursuivre les efforts de coordination avec les organismes de recherche et leurs filiales de transfert et trouver des moyens de travailler avec efficacité et souplesse, y compris dans les procédures mises en place.
- Favoriser les interactions entre les SATT et l’ensemble des acteurs de la valorisation, notamment les structures également financées par le PIA.
- Encourager la co-maturation afin d’associer au plus tôt les entreprises intéressées par les résultats d’une recherche et de garantir une « preuve de concept » optimale.
- Nommer rapidement un ou des membres experts du secteur économique au sein des conseils d’administration des SATT.
- Inciter les SATT à identifier les demandes du marché (« market pull ») auprès des entreprises présentes sur leur territoire en complément de la recherche de commercialisation des projets issus de laboratoires.
- Optimiser la connaissance par les acteurs du tissu économique local et des besoins identifiés au sein des entreprises, fluidifier les relations entre les SATT et les unités de valorisation restées dans les universités.
- Mener une réflexion, au niveau du comité de pilotage et du Commissariat général à l’investissement, sur l’avenir des SATT d’ici à la fin du financement par le PIA et envisager les solutions possibles dans le cas où elles ne pourraient poursuivre leur activité sans enveloppe supplémentaire.
- S’interroger sur la possibilité offerte aux SATT de bénéficier du crédit d’impôt recherche (CIR) en leur qualité de sociétés privées, même si leurs financements sont très largement publics.
- En remplacement des SATT qui ne fonctionneraient pas et ne parviendraient pas à développer efficacement leur activité, notamment en raison de la couverture d’un territoire trop important, créer des structures plus légères reposant directement sur les établissements universitaires … et faire appel à d’autres SATT en tant que de besoin.
- Déployer des actions de sensibilisation auprès des laboratoires et des entreprises…
- Simplifier et rationaliser le paysage de la valorisation et de l’innovation.
- Faciliter le partage de copropriété entre les établissements et les organismes de recherche dans le cadre des projets issus des unités mixtes de recherche.
Les IRT – instituts de recherche technologique
L’objectif des Instituts de recherche technologique (IRT) est, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales, de constituer un nombre restreint de campus d’innovation technologique de dimension mondiale. Ils regroupent des établissements de formation, des laboratoires de recherche appliquée publics et privés, des moyens de prototypage et de démonstration industrielle et des acteurs industriels sur un même site.
Le « jaune » estime que les bilans annuels sont globalement très encourageants, en raison notamment de la capacité des IRT à attirer de nouveaux partenaires privés et de la mise en place rapide de plates-formes de R&D, dont les équipements sont en partie couverts par des apports industriels en numéraire. Les industriels saluent la capacité des IRT à réaliser les programmes de R&D dans les temps.
Néanmoins le « jaune » donne des pistes d’amélioration :
- renforcer les concertations, d’une part, des IRT avec les acteurs académiques pour orienter les formations et pour développer le ressourcement scientifique, et, d’autre part, des IRT avec les pôles de compétitivité pour continuer à attirer davantage de PME, mais aussi de grands groupes français et étrangers, sur ces campus,
- poursuivre les améliorations de simplification du suivi des IRT,
- consolider les actifs (équipements, démonstrateurs) des IRT mais aussi développer leurs compétences en interne,
- être plus ambitieux en termes de valorisation, produire davantage de brevets, et surtout obtenir plus de licences et créer davantage de start-up,
- poursuivre le déploiement de projets européens et internationaux.
A propos de l’auteur
Michel Bouvet est président d’ESR Conseil et Directeur Général d’Yncréa.
Pour en savoir plus
- http://www.lecese.fr/travaux-publies/quelle-politique-pour-les-poles-de-competitivite
- http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/finances/Controle/RI_prov_SATT.pdf
- https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/jaunes/jaune2018_investissements_avenir.pdf
- quelques ouvrages
[asa_collection book, items=5, type=random]managementinnovation[/asa_collection]
Commentaire sur “Pôles, SATT et IRT : les avis et recommandations pleuvent”
7% de rentabilité des SATTs c’est déjà mieux que les 4% annoncés par le rapport de Suzanne Berger en Janvier 2016 qui dit qu’il faut absolument arrêter ce mode de financement.