Le BFR (besoin en fonds de roulement) fait partie de ces notions comptables, apparemment simples, qui font pourtant s’arracher les cheveux des étudiants et des chefs d’entreprise. Toute entreprise qui innove ou qui connaît une croissance importante doit maîtriser parfaitement la notion de BFR. A quoi correspond-il concrètement et, surtout, comment s’en servir au quotidien pour améliorer sa rentabilité ? Cet article est accompagné d’exercices et de quiz qui vous permettront de mieux le comprendre.
Le BFR correspond aux besoins de financement à court terme d’une entreprise et résulte des décalages entre les décaissements et les encaissements de l’activité courante. Le démarrage d’une activité est typiquement un moment où il faut « financer du BFR », c’est-à-dire trouver les ressources pour fabriquer et commercialiser nos produits avant même de les vendre et d’encaisser l’argent correspondant.
BFR : un premier exemple simple
Quand une entreprise reçoit des marchandises, il est rare qu’elle paie directement ses fournisseurs. De même, quand elle vend ses produits, ses clients ne la paient pas systématiquement immédiatement. Des écarts apparaissent donc entre les enregistrements d’achats et de ventes enregistrés en comptabilité et les encaissements d’argent. Les entreprises n’ont toujours pas reçu l’argent correspondant à la certaines marchandises qu’elles ont pourtant déjà vendues. De même elles ont financé du stock pour fabriquer ces marchandises. Cette situation crée un besoin de financement. Par contre, elles disposent de marchandises qu’elles n’ont pas encore payées à leurs fournisseurs. Cela crée une ressource, un excédent de financement.
Prenons l’exemple de l’entreprise GrimpéÔ, qui fabrique des tringles à rideaux. Pour fabriquer ses tringles, l’entreprise doit commander de la matière première à ses fournisseurs. Disons qu’elle reçoit cette matière le 1er janvier (on travaille dur dans l’entreprise), accompagnée d’une facture à échéance du 15 février (45 jours). Elle fabrique les tringles et parvient à les vendre le 15 mars (75 jours). Elle les livre dans la foulée. La date d’échéance de sa facture est le 30 avril (45 jours) mais elle n’est malheureusement pas payée et doit encore attendre, après avoir envoyé une relance à son client. Celui-ci finit par s’acquitter de sa dette le 25 mai soit 25 jours après l’échéance. Ce paiement conclut le cycle de vente.
Lorsque la marchandise arrive dans l’entreprise et jusqu’à la vente à J+75, elle est enregistrée dans le stock de l’entreprise. Ensuite, elle est enregistrée en créance clients. Du point de vue de la trésorerie, ce sont les fournisseurs qui financent cette marchandise jusqu’à J+45. Après cette date, c’est l’entreprise GrimpéÔ qui doit la financer jusqu’au paiement complet par le client, qui intervient à J+145.
Comme le montre le graphique ci-dessous, le besoin en fonds de roulement ou BFR est la différence entre (STOCK + CLIENTS) et (FOURNISSEURS). Il correspond à de la consommation de ressources dans le cadre du cycle d’exploitation normal de l’entreprise. D’un côté, j’ai du stock et mes clients me doivent de l’argent. De l’autre, mes fournisseurs me doivent de l’argent. C’est la différence entre ces deux grandeurs qui correspond au BFR, l’argent dont j’ai besoin pour financer le cycle d’exploitation de mon activité.
BFR = STOCKS + CLIENTS – FOURNISSEURS
Si on veut être plus précis, on peut également utiliser la formule
BFR = STOCKS + CRÉANCES CIRCULANTES + DETTES CIRCULANTES
Quelle différence avec la première formule ? Les créances circulantes correspondent principalement aux créances clients mais on y ajoute les les « charges constatées d’avance ». De même, les dettes circulantes sont composées surtout des dettes des fournisseurs à mon égard, auxquelles on ajoute les dettes envers le personnel et les organismes sociaux et les produits constatés d’avance.
Attention, on parle parfois du BFRE (BFR d’Exploitation …). Le BFR d’exploitation est une composante du BFR qui se limite aux seuls comptes d’exploitation d’une activité (généralement les comptes de créances clients, stocks et dettes fournisseurs). Il ne tient pas compte des dettes et des créances « hors exploitation », à la différence du BFR « habituel ».
Le Fonds de roulement
Qui dit BFR (« Besoin en Fonds de Roulement ») dit forcément Fonds de Roulement ou FR. On peut dire rapidement que le FR correspond à la différence entre les capitaux permanents (on parle aussi de « ressources stables ») et les actifs immobilisés (ou « emplois stables »). Toutes ces informations sont disponibles dans ce qu’on appelle le « haut de bilan ».
FR = RESSOURCES STABLES – EMPLOIS STABLES
Quand le fonds de roulement est positif, l’entreprise a plus de ressources à long terme que de besoins. L’excédent peut être utilisé pour financer l’activité courante de l’entreprise (faire face à un client qui ne paie pas sa facture ou la paie très en retard par exemple). Quand le fonds de roulement est négatif, cela peut poser de sérieux problèmes à l’entreprise car elle doit financer avec des ressources court terme (du découvert bancaire, des factures fournisseurs qu’elle ne paie pas, …) des besoins long terme (un investissement, un machine de production par exemple).
Les emplois stables sont constituées des immobilisations en valeur brute (c’est le coût effectivement payé par l’entreprise). Les ressources stables comprennent les capitaux propres, les dettes à LMT mais également les les amortissements, dépréciations et provisions car il ‘agit de charges non décaissées « mises de côté » pour renouveler nos immobilisations.
La trésorerie de l’entreprise
La trésorerie de l’entreprise correspond simplement à l’ensemble des sommes d’argent disponibles en caisse ou placées sur des comptes bancaires. La trésorerie nette se retrouve bien sur au bilan de l’entreprise, à la fois dans des comptes d’actif et de passif. Il s’agit des disponibilités (actif), de l’argent directement liquide. Si certains placements peuvent être rapidement disponibles et transformés en liquidité, ils sont également comptés. Au passif, il peut y avoir des découverts bancaires (concours bancaires courants).
TRÉSORERIE = DISPONIBILITÉS (+ Certaines valeurs mobilières de placement) – DÉCOUVERTS BANCAIRES
Ce qui est intéressant ici, c’est que la trésorerie peut également se déduire du Fonds de Roulement (FR) et du Besoin en Fonds de Roulement (BFR). Le FR permet de financer le BFR de l’entreprise. Ce qui excède ce besoin de financement constitue la trésorerie.
TRÉSORERIE = FR – BFR
Bilan comptable et bilan fonctionnel
Attention, pour calculer le FR et le BFR, il faut travailler avec ce qu’on appelle le « bilan fonctionnel ». Ce bilan particulier peut être obtenu à partir du bilan comptable. Dans un bilan fonctionnel, les comptes sont réorganisés et assemblés selon leur fonction et leur degré de liquidité. Le bilan fonctionnel est très utile puisqu’il permet d’analyser la structure financière d’une entreprise en comparant ses emplois stables ou circulants (actifs) à ses ressources stables ou circulantes (passifs). Il met en évidence différents cycles :
- le cycle durable : comparaison entre les investissements durables et les financements stables,
- le cycle d’exploitation : comparaison entre les stocks, les créances et les dettes relatives à l’exploitation,
- le cycle hors exploitation : comparaison entre les créances et dettes diverses,
- le cycle de trésorerie : comparaison entre la trésorerie active et la trésorerie passive.
Pour passer d’un bilan comptable à un bilan fonctionnel, il suffit de suivre les étapes suivantes, pour aboutir au regroupement de 6 grandes « masses » (actifs passifs stables, actifs et passifs circulants, trésorerie active et passive) :
- Actifs stables. Il s’agit de la valeur brute de l’actif immobilisé.
- Passifs stables. L’ensemble des ressources qui devraient rester durablement dans l’entreprise : les capitaux propres, dont le résultat de l’exercice, les dettes à moyen et log terme auprès d’établissements bancaires (on enlève donc les concours bancaires courants, les « découverts »). Il ne faut pas oublier de compter également les amortissements, provisions et dépréciations dont le total peut être trouvé dans la colonne « amortissements et provisions » de l’actif. En effet, ces amortissements et provisions correspondent réellement à des charges « non décaissées ».
- Actifs circulants. Stocks, créances clients et créances diverses, en valeur brute.
- Passifs circulants. Dettes fournisseurs, dettes fiscales et sociales, dettes diverses.
- Trésorerie active. Le disponibilités, c’est-à-dire l’argent immédiatement disponible, dans l’entreprise ou sur des comptes bancaires.
- Trésorerie passive. Les découverts bancaires.
Prenons l’exemple de ce bilan comptable typique d’une entreprise industrielle saine :
Essayez de calculer les valeurs du bilan fonctionnel et le besoin en fonds de roulement, avant d’aller voir la réponse en bas de cet article.
Exercices sur le FR et du BFR
Le questionnaire ci-dessous reprend des affirmations simples afin de vérifier que vous avez bien assimilé les concept de fonds de roulement (FR) et de besoin en fonds de roulement (BFR).
[WpProQuiz 13]
Prenons maintenant l’exemple de notre entreprise maintenant bien connue, GrimpéÔ, qui fabrique des toujours des tringles à rideaux et dont voici ci-dessous un extrait simplifié du bilan fonctionnel.
[WpProQuiz 12]
Comment réduire mon BFR ?
Comment puis-je réduire mon besoin en fonds de roulement ? Il suffit de travailler sur un des termes de l’équation :
- Réduire mes stocks grâce à une bonne gestion
- Réduire les retards de paiement clients
- Augmenter les délais de paiement fournisseurs
Réduire mes stocks grâce à une bonne gestion
Comme on l’a vu, il est impératif de garder ses stocks le plus bas possible, tout en n’impactant pas négativement la bonne marche de l’entreprise (par exemple en cas de rupture de marchandise qui empêcherait la fabrication de nos marchandises).
Il faut donc optimiser la gestion des stocks et éviter les surplus, les stocks dormants, les produits obsolètes. Si possible, on essaiera de tendre vers un fonctionnement en flux tendu, pour que l’entreprise n’ait en stock que ceux dont elle a besoin. Il faut également réduire les délais de production afin de diminuer les en-cours.
Réduire les retards de paiement clients
En ce qui concerne les créances clients, la France se caractérise par des délais de paiement inter-entreprises relativement longs comparés aux autres pays, comme le montre l’étude Euler Hermès publiée en 2017 (cf. ci-dessous). En augmentant leur BFR, cette situation dégrade la situation financière et la rentabilité de nombreuses entreprises, en particulier les TPE et les PME. C’est parfois la survie même de ces entreprise qui est en jeu. Les habitudes sur un secteur et les rapports de force ne permettent pas toujours à une PME d’améliorer son BFR (en « exigeant » d’une grande entreprise cliente le paiement d’une facture par exemple).
Le législateur sait que la situation de nombreuse PME est délicate et que de nombreux grands groupes se servent du délais de paiement déraisonnable de leur fournisseurs pour améliorer à leur dépend leur rentabilité. C’est pourquoi il a tenté à de nombreuses reprises de raccourcir ces délais de paiement par la loi. Le dernier exemple en date est la loi de modernisation de l’économie du 04/08/2008 selon laquelle les délais de paiement doivent être effectués dans les 60 jours net (ou 45 jours fin de mois). Dans la pratique, ce genre de mesures législatives aident les PME à faire valoir leurs droits auprès de leurs clients mais n’effacent pas un rapport de force qui est souvent à leur désavantage.
Pour améliorer le poste client, on pourra :
- améliorer le suivi des créances clients, au moyen d’un système de relance efficace,
- recourir à l’affacturage, qui permet de récupérer immédiatement la trésorerie sur les créances clients,
- proposer des escomptes pour règlement anticipé, afin d’inciter les clients à régler immédiatement pour obtenir une réduction,
- exiger le paiement d’un ou de plusieurs acomptes avant l’issue de la prestation ou de la vente,
- prévoir des conditions de vente avec des délais de règlement plus courts pour les nouveaux clients.
- mettre en place des conditions strictes d’acceptation des nouveaux clients, dans le but de diminuer les futurs impayés.
Attention toutefois, l’escompte et l’affacturage sont deux solutions qui diminuent la rentabilité de l’entreprise.
Augmenter les délais de paiement fournisseurs
L’idée est ici de ne payer ce qu’on doit qu’au moment où on le doit et pas avant. Comme le dit l’adage « Qui paie ses dettes s’enrichit ». Cela est vrai mais on ajoutera qu’il faut les payer au bon moment. Comment faire pour augmenter les délais de paiement fournisseurs ?
- négocier des délais de règlement plus long avec ses fournisseurs,
- calculer ses dates d’approvisionnements au plus juste
- ne pas payer par anticipation pour bénéficier d’escomptes, bien que ces derniers permettent en contrepartie d’améliorer la marge
Pour en savoir plus
- Le coin des entrepreneurs, site avec de nombreuses ressources dans le domaine de la gestion financière
- le contenu de cet article, avec les corrigés des exercices
Type de document | Détails |
---|---|
Le BFR (besoin en fonds de roulement) fait partie de ces notions comptables, apparemment simples, qui font pourtant s'arracher les cheveux des étudiants et des chefs d'entreprise. Toute entreprise qui innove ou qui connaît une croissance importante doit maîtriser parfaitement la notion de BFR. A quoi correspond-il concrètement et, surtout, comment s'en servir au quotidien pour améliorer sa rentabilité ? Cet article est accompagné d'exercices et de quiz qui vous permettront de mieux le comprendre. Ce document reprend les éléments de cet article sous un format "traitement de texte", copiable et réutilisable. Au programme : I. BFR : un premier exemple simple II. Le Fonds de roulement III. La trésorerie de l’entreprise IV. Exercices sur le FR et du BFR V. Comment réduire mon BFR ? V.1 Réduire mes stocks grâce à une bonne gestion V.2 Réduire les retards de paiement clients V.3 Augmenter les délais de paiement fournisseurs |
- quelques ouvrages sur le sujet
[asa_collection book, type=random, items=5]analysefinanciere[/asa_collection]
- le calcul du BFR
- les autres outils et leçons pour innover