Créer un environnement favorable à l’innovation dans son entreprise repose sur trois piliers : la diversité, la vitesse et la bienveillance. Curieusement, les entreprises les plus innovantes autrefois semblent avoir été tout le contraire : lourdes, uniformes avec des profils hyper spécialisés, peu amènes avec les différences et les « déviances ». A l’échelle d’un territoire, le même constat peut se faire : l’innovation semble aller de pair avec la promotion de la tolérance et de la diversité et avec la lutte contre les lourdeurs administratives. On ne peut donc pas promouvoir l’innovation et l’efficacité économique à long terme sans intégrer le contenu politique des actions à mettre en place. Chefs d’entreprise, tenez-vous le donc pour dit : si vous êtes intolérants et réactionnaires, il est vraisemblable que vous aurez de plus en plus de mal à être innovants.
Environnement favorable : la diversité
Une tendance de plus en plus partagée
La diversité et l’ouverture à la différence semblent être une des conditions indispensables d’une capacité durable à innover. C’est d’ailleurs un enjeu qui est de plus en plus pris en compte par les ressources humaines. D’après le 2ème baromètre de l’innovation IFOP / Grenoble École de Management, 43 % des dirigeants estiment nécessaire de recruter de nouveaux talents ou de développer des compétences managériales spécifiques chez leurs salariés pour conduire l’innovation et infuser son esprit à l’entreprise. Parmi les moyens prioritaires à mettre en place par les responsables ressources humaines : la formation (87 %), la diversification des profils en termes de formation et d’expérience (82 %), la mixité en matière d’âge (69 %) et de sexe (54 %).
L’idée de diversification des profils semble donc progressivement faire son chemin dans l’esprit des dirigeants. Les problèmes auxquels les entreprises sont confrontés sont en effet de plus en plus complexes. Elles ont toujours besoin d’experts bien sûr mais également de personnes créatives et de collaborateurs capables de résoudre les problèmes : des « creative thinkers » et des « problems solvers ».
Varier les profils des collaborateurs, ça marche vraiment ?
Mais est-ce que varier les profils dans une entreprise la rend vraiment plus performante ? Sommes-nous là dans l’idéologie ou bien face à un phénomène mesuré scientifiquement ?
Dans un rapport de 2015 intitulé « Diversity Matters », McKinsey & Company a étudié 366 entreprises cotées de différents secteurs d’activité aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en Amérique Latine. « Nous savions intuitivement que la diversité était importante dans les entreprises. Il est désormais de plus en plus clair que cela fait également sens en termes de business », écrivent ses auteurs, Vivian Hunt, Dennis Layton et Sara Prince. Leurs principales conclusions sont les suivantes :
- Les entreprises avec un haut niveau de diversité raciale et ethnique sont 35% plus à même d’avoir des résultats financiers supérieurs aux niveaux médians de leur secteur
- Les entreprises avec un haut niveau de parité sont 15% plus à même d’avoir des résultats financiers supérieurs aux niveaux médians de leur secteur
- Les entreprises avec une parité et une diversité ethnique et raciale faibles non seulement échouent à être en tête de leur secteur mais sont aussi à la traîne.
Le contraire d’une formule magique
Varier les profils des collaborateurs provoque nécessairement des difficultés par rapport à la situation plus simple où tous les collaborateurs partagent le même background et les mêmes références. Cela oblige donc à porter les efforts sur l’inclusion et la tolérance dans les équipes. Le rôle du management est fondamental pour qu’une entreprise tire profit d’une grande variété de profils de ses collaborateurs, d’une importante diversité de pensées, d’expériences, de cultures et d’éducations. Comme le note Scott Page dans son livre « The Difference : How the Power of Diversity Creates Better Groups, Firms, Schools, and Societies » « le progrès et l’innovation pourraient moins dépendre de personnes brillantes au QI élevé et travaillant isolément que d’équipes diversifiées œuvrant de concert et capitalisant sur leurs individualités ».
La diversité compte plus que le talentLes groupes diversifiés peuvent surmonter un manque d’expérience et même surpasser des équipes ayant un mode de pensée unique et possédant davantage de compétences. Les équipes homogènes abordent un problème à partir d’un seul angle. Les équipes diversifiées, elles, s’attaquent aux problèmes dans des directions variées et ont plus de chances d’aboutir à une découverte originale ou inattendue.
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Environnement favorable : la vitesse
Même si de grands auteurs affirment que ce n’est pas d’agilité dont votre organisation a besoin, fonctionner « comme une startup » est bel et bien devenu le Graal de l’organisation des grands groupes. Pourquoi être agile ? Pour aller plus vite dans un monde économique où le masque effrayant de la disruption guette toutes les entreprises. Si les startups sont plus « rapides », plus agiles que les grandes entreprises, c’est bien sur parce que les circuits de décisions y sont plus courts mais également parce qu’elles ont moins d’actifs à protéger.
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La notion d’agilité répond à la nécessité de diffuser l’innovation efficacement et rapidement dans toute l’organisation. Pour innover, il faut une stratégie mais cela ne suffit pas pour avoir un environnement favorable à l’innovation. Il faut faire vivre cette stratégie en interne, donner du sens par rapport aux risques perçus par les collaborateurs, parvenir à implémenter rapidement les décisions prises malgré les résistances inévitables, … Ce sont souvent ces problèmes managériaux qui expliquent les difficultés d’une entreprise à appliquer avec agilité sa stratégie d’innovation.
Quand une entreprise grandit, les gestionnaires prennent très vite le pouvoir. Les administratifs et les services support, en priorisant leurs propres objectifs internes sur la raison d’être de l’entreprise, la conquête et la satisfaction de ses clients, sclérosent progressivement l’organisation. Procédures, méthodes, contrôles, validations … autant de contraintes qui habillent en performance et en sérieux la volonté d’exister de beaucoup « d’improductifs ». Et comme il est confortable pour les autres de diluer leur liberté dans un écheveau de responsabilités mal définies, l’entreprise est progressivement composée de cadres débordés qui courent de comités de direction en groupes de travail et font entre eux des « points » réguliers pour ne surtout plus rien décider.
Le rôle des managers et des dirigeants est de lutter contre cette tendance à la servitude volontaire, à l’apparition d’une technostructure trop importante et à l’inflation des règlements et procédures internes. Toutes les réunions sont-elles nécessaires ? Le manuel qualité n’est-il pas devenu sa propre finalité ? Les circuits de décisions ne sont-ils pas trop complexes et certaines étapes uniquement là pour donner une impression d’utilité aux signataires ? Si nous devions repartir de zéro, rebâtirions-nous la même organisation ? Autant de questions dont les réponses peuvent donner des pistes à une simplification de l’organisation de l’entreprise, afin de l’assouplir et de la rendre plus agile.
Environnement favorable : la bienveillance
La bienveillance est devenu un mot très à la mode ces dernières années. Les principales attentes des individus dans une entreprise sont la quête de sens et la recherche de reconnaissance. Un climat de bienveillance est un des piliers d’un environnement favorable à l’innovation mais il s’agit de plus que d’être gentil avec tout le monde. L’idée est de ne pas abuser de son pouvoir de nuisance ou de coercition dans ses rapports avec autrui dans le cadre professionnel mais de faire preuve d’empathie. L’empathie est cette capacité à se « mettre à la place de l’autre », à comprendre ses décisions, à se décentrer et fait partie des compétences que normalement nous maîtrisons tous depuis la maternelle.
Pourquoi être gentil plutôt que méchant ? Mais tout simplement par calcul, parce que cela donne toujours de meilleurs résultats ! Les rapports de force, s’ils sont parfois inévitables, ne permettent jamais d’atteindre des résultats extraordinaires. Ils aboutissent à une situation gagnant-perdant ou encore un match nul. Face à la complexité et aux défis auxquels les organisations sont confrontées, une autre forme de rapport doit prévaloir : les collaborations, le pouvoir des multiples perspectives et de la synergie des équipes.
Pourquoi être gentil plutôt que méchant ? Mais tout simplement par calcul, parce que cela donne toujours de meilleurs résultats !Il est très facile de démotiver ses collaborateurs, de créer durablement frustrations et oppositions. Même s’il est difficilement quantifiable, ces situations ont un impact très important, y compris en terme de rentabilité. Cela vaut donc la peine de prendre le temps pour comprendre la perspective de l’autre et, probablement encore plus important pour nous, de comprendre pourquoi la perspective de l’autre nous agace autant… Comme le disait un philosophe entomologiste bien connu, un « grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». La tentation est grande de sous-estimer l’impact que nous avons sur nos collaborateurs ou nos collègues. En tant que cadre, leader ou dirigeant, notre pouvoir est plus important qu’il n’y parait dans la création d’un environnement bienveillant, propice à la collaboration, à l’innovation et à la prise de risque. Nous avons en particulier le pouvoir d’influencer la culture de l’entreprise en devenant un modèle à suivre par nos collègues et notre équipe.
Il ne s’agit pas de tomber dans la naïveté ou l’angélisme mais de comprendre l’impact économique de ses pratiques managériales et des efforts faits pour mieux considérer l’autre. Le partage, la découverte, la curiosité, l’acceptation de l’échec et la confiance sont autant de valeurs à promouvoir. Chaque partie prenante doit être traitée de manière équilibrée.
C’est vrai pourtant qu’on est entouré de c… mais soyez certains que ceux-ci pensent la même chose. Accueillez donc la c.nnerie avec bienveillance, celles des autres mais aussi et surtout la vôtre.
Et vous ?
Qu’en est-il dans votre entreprise ? Diriez-vous qu’il y règne un environnement favorable à l’innovation ? Réfléchissez une minute : d’où viennent vos collègues ? Quel est leur background, leur culture, leur cursus scolaire ? Diriez-vous que les profils sont variés et que chacun peut s’exprimer et apporter sa vision particulière ? Quand un poste est à pourvoir, imposez-vous spontanément certains diplômes ? Vous ruez-vous sur les ingénieurs ou les docteurs, y compris pour des collaborateurs expérimentés pour lesquels les réalisations, passions, initiatives et projets passés ont sûrement plus d’importance qu’un diplôme obtenu il y a dix ou quinze ans ? Combien de personnes handicapées autour de vous, de seniors, de parcours professionnels heurtés ?
Croulez-vous sous les procédures et les contrôles ? Les efforts sont-ils davantage mis sur le gonflement de la technostructure, au détriment des forces productives et commerciales ?
Tout le monde est-il reconnu à la hauteur de ses apports dans l’entreprise ? Y-a-t-il des lieux d’expression ? Le droit à l’échec et à l’expérimentation est-il une réalité, au-delà des beaux discours ? Promouvoir l’innovation et créer un environnement favorable n’est pas qu’une histoire d’organigramme et de système d’information. Il s’agit plus sûrement du résultat d’un management subtil où l’autre est valorisé dans sa différence mais où les valeurs de l’entreprise et le sens des actions est systématiquement mis en avant. Le droit à l’échec vaut pour tous. Alors si vous vous apercevez, en tant que manager, que vous faites fausse route depuis des années, changez !
Promotion de la différence, bienveillance, souplesse et adaptation. L’avenir verra l’échec des réactionnaires et des rigides. Tant pis pour eux.
Pour en savoir plus
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Créer un environnement favorable à l'innovation dans l'entreprise commence par des règles simples de management. Diversité, vitesse et bienveillance. Ce document reprend les éléments de cet article sous un format "traitement de texte", copiable et réutilisable. Au programme : - Environnement favorable : la diversité > une tendance de plus en plus partagée > varier les profils des collaborateurs, ça marche vraiment ? > le contraire d’une formule magique - Environnement favorable : la vitesse - Environnement favorable : la bienveillance - Et vous ? |
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Commentaire sur “Créer un environnement favorable à l’innovation”
Bonjour Jean-Pierre,
Je n’avais pas vu ton article lorsque tu l’as publié.
Comme d’habitude, il s’giat d’une excellente synthèse. Je te félicite et elle rejoint complétement mon point de vue sur les fondamentaux sur lesquels doit se batir un environnement propice au management de l’innovation. A méditer plus d’une fois.