Bonjour Vincent. Pouvez-vous nous résumer votre parcours de designer en quelques mots ?
Je suis diplômé en design industriel à Paris (ESDI – 1989), et j’ai commencé ma carrière dans le groupe Thomson (Consumer Electronics) à Singapour. Puis, après un passage à Milan, je m’installe à Paris où j’ai travaillé dans les jeux éducatifs pour les enfants et ai démarré une activité de free-lance. Fin 1994, j’intègre Décathlon à Lille où j’ai occupé différentes fonctions dans le design et l’ingénierie : j’ai notamment travaillé pour les marques Inesis (golf), Artengo (sports de raquettes) et Kalenji (course à pied) avant de prendre en 2008 la direction du design avancé puis en 2010 la direction de l’Innovation au niveau corporate, fonction transverse touchant à la fois la direction de l’offre, la direction industrielle et le retail. Début 2013, notre projet familial nous pousse à aller explorer de nouveaux territoires, de nouvelles cultures, et c’est en Chine que la bonne opportunité nous conduit quelques mois plus tard.
J’ai intégré InProcess en 2014 afin de monter la filiale Chinoise de cette agence d’innovation par les usages créée en 2002 par Christophe Rebours. InProcess élabore des innovations inspirées par les Hommes pour de grands groupes (L’Oréal, Nestlé, PSA, Orange, LVMH, Carrefour…) et des start-ups (www.inprocess-group.com)
Quelle serait votre définition du design ?
Pour moi, le design est une discipline collaborative et inclusive, destinée à améliorer et faciliter la vie des gens.
Ma définition du design tient principalement compte de ses objectifs et notamment ceux à qui il est destiné : les Hommes et les entreprises. Au sens de la conception d’expériences plus justes pour les hommes, et d’offres plus profitables et plus durables pour les entreprises.
En quoi le design est-il essentiel pour la conception de nouveaux produits et, par conséquent, pour l’innovation ?
Le design fait partie de l’ADN de l’innovation quel que soit son champs d’application (nouveau modèle de business, de produit, service, etc…). Toute nouvelle offre nécessite un travail d’équipe incluant notamment les dimensions marché (connaissance de l’expérience des utilisateurs), business (formalisation de l’offre), R&D (lors de certains projets) et design. Le designer travaille aussi bien avec son cerveau gauche qu’avec le droit. Sa capacité naturelle à l’inclusion lui permet de dialoguer autant avec les professionnels des sciences humaines qui observent les usages, qu’avec les hommes de marketing et de business pour transformer les mutations d’usage en nouvelles expériences. Au cœur du processus d’innovation, il participe avec eux à la conception d’une offre plus juste pour les utilisateurs.
Comment voyez-vous la collaboration possible entre les grandes entreprises et les TPE (ou les agences de design) dans les démarches de conception de produit ?
Les collaborations entre les grandes entreprises et les TPE ou agences de design peuvent être vues sous 2 angles :
Le premier lorsque l’on raisonne Design intégré versus Design externalisé. Aujourd’hui les grandes entreprises ont pour la plupart un design intégré, et font néanmoins appel à des prestataires/partenaires externes en design ou innovations que ce soit pour des questions de stratégie, de volumétrie de travail, ou car elles n’intègrent pas toujours toutes les expertises, ou encore parce qu’elle ont besoin d’avoir un œil extérieur pour mieux challenger l’interne… les deux approches cohabitent très bien.
Le deuxième lorsque l’on pense à « comment innover plus vite » en allant chercher la connaissance là où elle existe dans le monde. C’est un des aspects de l’Open Innovation qui consiste pour une entreprise à créer autour d’elle un écosystème plus ou moins complexe où potentiellement toute autre société/université/ laboratoire/fournisseur pourrait devenir un partenaire sur un projet dédié. L’enjeu de vitesse prend alors l’ascendant sur celui de propriété intellectuelle.
L’observation des usages actuels ou émergents est devenue centrale pour innover …
Historiquement, ie dès le 19ème siècle, l’innovation a d’abord été conduite par les ingénieurs. Elle était guidée par la technologie [nous avions abordé ce point dans cet article] et son amélioration permanente. Puis dans la seconde partie du 20ème siècle, l’innovation est passée également dans les mains des hommes de marketing. Elle y est guidée par la marque et l’engagement des consommateurs. Aujourd’hui nous entrons dans une nouvelle ère qui est celle de l’innovation expérientielle. Elle part de l’observation de la vie des hommes et de leurs usages. C’est en effet en étant très proche des problématiques des utilisateurs qu’on peut au mieux comprendre et anticiper leurs attentes, leurs besoins. La capacité à anticiper avec finesse les comportements des gens (utilisateurs, consommateurs…) est une clé d’entrée très forte pour innover : les futurs gisements de valeurs sont souvent très proches de nous, mais il faut savoir observer et détecter ce qui demain fera sens pour les utilisateurs. L’Open Innovation (sous un autre aspect) est une forme d’innovation « centrée utilisateur » dans la mesure où tout le monde peut aujourd’hui s’exprimer, faire remonter des idées, des retours d’expériences sur différents sujets, et également développer et lancer des projets innovants via les différentes plateformes existantes. Les programmes de co-design, les living labs viennent enrichir les outils collaboratifs et possibilités d’innover.
Vous êtes installé en Chine. Quels sont les atouts de nos designers selon vous ?
Ma conviction est que nous ne sommes qu’au début de profondes mutations au niveau des biens de consommations, de leurs fabrications et distribution. L’artisanat va garder une place importante car il est lié à un savoir-faire souvent ancestral qui a une vraie valeur. Pour les biens de consommations industriels, je pense que c’est là que les transformations les plus radicales auront lieu, car une bonne partie d’entre eux pourront être fabriqués et donc distribués en local, grâce aux technologies de l’information et du numérique couplées à des systèmes d’impression 3D, ces derniers allant rapidement gagner en maturité, en performance et en intelligence.La Chine est surprenante pour sa capacité d’adaptation notamment lorsqu’il s’agit de faire du business. Les gens sont très pragmatiques et toutes ces révolutions se préparent également ici…les universités forment chaque année des milliers d’ingénieurs, de designers, et l’époque où les occidentaux pouvaient venir en Chine en étant quasiment sûrs de trouver un travail est belle et bien révolue. Il y a donc potentiellement un enjeu d’intelligence culturelle et collective qui se dessine, qui va façonner les atouts de chaque état et leur capacité à créer de la valeur. Les sciences humaines et le design français sont très appréciés dans beaucoup de pays dont la Chine, et ce sont des atouts majeurs sur lesquels il faut miser pour nos entreprises.
4 commentaires sur “Le parcours mondial d’un designer innovateur – Vincent Leenhardt”
…Tout cela est excellent mais manque à : « L’excellent it Seams »… L’Excellentissime : « An KA… Je SUIS »!
Traduction : Je FAIS donc… Je SUIS!!!.
… Sourires et accomplir!