licence d’invention brevetée et brevet

Une fois un brevet déposé, encore reste-t-il à l’exploiter ! Très souvent, le breveté n’a pas la force commerciale ou même l’intention d’exploiter commercialement son brevet. C’est là qu’intervient la « licence d’invention brevetée ». Mais cette licence est soumise à des règles précises pour être valable. C’est Coraline Favrel, avocate au barreau de Lille et nouvelle contributrice sur Les Cahiers de l’Innovation, qui nous donne toutes les clés pour comprendre le fonctionnement de la licence d’invention.

Qu’est-ce qu’un brevet portant sur une invention ?

Coraline Favrel, spécialiste du brevet et de la licence d'invention

C’est une manière de s’approprier une découverte nouvelle et technique, par un titre de propriété, pendant vingt ans à compter du jour du dépôt de la demande de brevet auprès de l’office. Le monopole d’exploitation ainsi accordé au breveté, par la loi, constitue un encouragement à la recherche et au développement. Les États européens favorisent le dépôt de brevets par des incitations fiscales : crédit impôt recherche en France, exonération des revenus de brevets (royalties) aux Pays-Bas… En 2015, ce sont 10.781 demandes de brevet européen qui ont été effectuées en France !

Un monopole est un droit d’interdire.

En principe, le titulaire d’une demande de brevet (puis d’un brevet) peut s’opposer à ce que toute personne fabrique, mette dans le commerce, utilise ou importe un produit ou un procédé reprenant les enseignements des revendications de son titre. Pour ce faire, il dispose de l’action en contrefaçon de brevet, prévue et réglementée par le livre 6 du Code de la propriété intellectuelle.

Pour en savoir plus sur les brevets, ce qu’ils coûtent, ce qu’ils protègent, comment ils fonctionnent et comment les déposer, direction le manuel de l’innovateur.

Mais un monopole, c’est aussi un droit d’autoriser … via une licence

De façon dérogatoire, un monopole d'exploitation est accordé au titulaire d'un brevet ou d'une licence
De façon dérogatoire, un monopole d’exploitation est accordé au titulaire d’un brevet

Tout en conservant son droit de propriété, le breveté, qui ne dispose pas nécessairement d’une frappe commerciale importante, permet à un tiers de jouir de son invention, par un contrat de licence d’invention volontaire. La situation est proche du contrat de bail par lequel un propriétaire autorise un locataire à demeurer paisiblement dans un immeuble, en contrepartie du versement par ce dernier d’un loyer.

Concrètement, suite à une négociation commerciale et à une éventuelle lettre d’intention, le breveté accepte qu’une personne (le licencié) exploite les droits portant sur l’invention brevetée, pour une durée convenue, dans certaines limites, et moyennant le paiement régulier d’une redevance, également appelée royalties. Cette redevance est généralement fonction du chiffre d’affaires généré par la fabrication ou la vente de l’invention par le licencié. La licence d’invention peut être exclusive ou non-exclusive. Elle est souvent la base d’un contrat de distribution.

Soumis au droit commun des obligations, ce contrat doit, au surplus, être formalisé par écrit, être inscrit au registre national des brevets tenu par les offices, tels que l’INPI, et faire l’objet d’un enregistrement fiscal dans le mois. Il appartient le plus souvent au donneur de licence d’invention d’acquitter les annuités auprès des offices pour maintenir en vigueur le titre, et au licencié d’exploiter suffisamment l’invention. Sauf stipulation contractuelle contraire, le licencié ne peut concéder de sous-licence, sans accord de son cocontractant.

Le contrat de licence connait un réel succès. En 2007, l’OCDE, en partenariat avec l’Office européen des brevets et l’Université de Tokyo, a conduit une enquête auprès de 2 200 entreprises dont 600 européennes et 1 600 japonaises, démontrant qu’une société titulaire de brevet sur cinq en Europe, et plus d’une sur quatre au Japon ont recours à des partenaires indépendants, grâce à des licences d’inventions brevetées.Les Tribunaux ont eu récemment plusieurs affaires à trancher en la matière. Pour l’essentiel, on retiendra qu’il appartient au licencié de payer les redevances prévues au sein du contrat, peu importe que celui-ci n’exploite pas l’invention concédée ou que le brevet, qu’il est autorisé à utiliser, encourt la nullité (CJUE, 7 juillet 2016). Une telle demande en paiement de redevances formulée par un breveté doit être soumise au Tribunal de grande instance de Paris, seul compétent en matière de brevets (CA Agen, 6 juill. 2016). La méconnaissance par le licencié de l’obligation d’exploiter au mieux de ses capacités les brevets donnés en licence justifie la résiliation du contrat à ses torts, sauf si celui-ci établit que l’exploitation s’est heurtée à des difficultés insurmontables d’ordre technique ou commercial (TGI Paris, 8 avril 2016).

Par ailleurs, il est constant qu’une exploitation de l’invention brevetée en dehors de l’autorisation concédée par le titulaire du droit constitue une contrefaçon.

Enfin, un licencié peut se prévaloir d’un préjudice commercial subi par la contrefaçon du brevet en cause, réalisée par un tiers, à compter de la date de la conclusion du contrat de licence, sa licence devant être inscrite au registre national des brevet en cours de procédure (TGI Paris, 26 mai 2016).

A noter qu’il n’est pas rare que le constat de la présence d’actes de contrefaçon se résolve par une transaction par laquelle le breveté accepte une indemnisation pour l’exploitation passée non autorisée, et concède au contrefacteur une licence pour les actes à venir… !

A l’instar de la rédaction d’une demande de brevet, celle d’une licence doit être extrêmement rigoureuse, pour éviter toute difficulté d’interprétation et recours à la justice.

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