Normalisation et innovation

Lorsque je reçois des entrepreneurs qui ont des projets d’innovation, la question des normes et de la réglementation revient régulièrement. Quand on lance un nouveau produit ou service sur le marché, il est bien rare que celui-ci ne soit pas régi par un cadre réglementaire parfois déjà complexe qui peut, dans un premier temps, donner l’impression d’être en opposition avec l’idée d’innovation. En effet, si rien ne peut être entrepris sans respecter des réglementations qui impliquent des coûts et des délais importants, cela favorise fatalement les acteurs en place qui avec leur position dominante et leurs ressources financières et juridiques, empêchent l’arrivée de nouveaux acteurs, plus inventifs mais aussi plus petits et plus fragiles. Les startups et PME ont toutefois une carte à jouer, grâce à la normalisation dite « volontaire », c’est-à-dire celle qui est le produit d’un consensus entre les acteurs d’un marché, qui influence ce dernier mais qui, contrairement à la réglementation, n’est pas d’application obligatoire.

La normalisation n’est pas la réglementation

La normalisation n'est pas la réglementation. facultative pour l'un, obligatoire pour l'autre.
Les règlements s’imposent à tous, les nomes à ceux qui le souhatent

Contrairement à ce que nous pourrions imaginer, seules 1% des normes sont d’application obligatoire. 99% des normes peuvent être ignorées par les entreprises qui le souhaitent. Il faut donc faire une distinction fondamentale entre la normalisation qui est créée par des acteurs privés (entreprises et utilisateurs)* et la réglementation qui relève comme la loi des pouvoirs publics. L’application de cette dernière est imposée à tous sur un territoire donnée et malheur à celui qui l’ignore ou feint de ne pas la connaitre. Les normes expriment quant à elles un consensus d’intérêts privés, elles sont là pour permettre aux entreprises d’assurer un haut niveau de qualité et de sécurité et aux consommateurs d’être rassurés quant à ce qu’ils achètent. Occasionnellement, les normes volontaires sont citées par la réglementation. Cela concerne seulement 1% des normes qui deviennent alors de facto elles-aussi d’application obligatoire.

Olivier Peyrat, directeur général du groupe AFNOR, explique la différence entre règlement et norme avec l’exemple du secteur agroalimentaire.

Qu’est ce qui est concerné par la normalisation ?

Absolument tout ce qui concerne notre vie quotidienne tet professionnelle ! Implants mammaires, lunettes de soleil, vélos, écartement des rails de train, taille des cartes de crédit, responsabilité sociale des entreprises, sécurité des jouets, avis de consommateurs sur les forums… notre quotidien est amélioré par un ensemble de normes volontaires qui fixent les standards en matière de qualité, de sécurité ou de performance pour tous les produits, services ou les pratiques qui nous entourent. Comme me le disait récemment Fabrice Fauroux, responsable produits à l’AFNOR : « la propriété intellectuelle sert à protéger une innovation, la norme permet d’ouvrir un marché ». La norme volontaire est un concpet surement assez difficile à comprendre pour un Français : il s’agit pour les acteurs d’un marché donné de se mettre d’accord sur les conditions d’activité sur ce marché.

la propriété intellectuelle sert à protéger une innovation, la norme permet d’ouvrir un marché

Pas de transcendance donc, pas d’Etat tout puissant, de hauts fonctionnaires sachants. Ce sont les acteurs de ce marché, donc aussi les entreprises qui ont pourtant un intérêt économique évident à influer sur les règles qui finiront par le régir, qui collectivement prendront des décisions qui pourront impacter tout le monde. Alors, prime au plus gros ? A celui qui est au courant des travaux en cours ? Qui a le temps et l’argent de s’y consacrer ? Ou bien solution la plus intelligence pour dégager un consensus de la confrontation d’intérêts divergents ? Alors, Pierce ou Kant ?

Comment s’organisent les normes ?

Toute entreprise peut proposer un projet de norme. Cette proposition est alors soumise à une commission, créée pour l’occasion si elle n’existe pas encore. Une fois finalisé et validé par la commission, le projet passe en phase de validation. C’est la consultation publique (ouverte à tous) appelée Enquête publique. Le texte de la norme est alors enrichi par la commission grâce à l’exploitation des observations recueillies avant de revêtir un caractère définitif pour être soumis à la validation de l’institut de normalisation : c’est l’homologation (source).

L’ensemble de ce processus dure entre un et trois ans. Les normes volontaires sont ensuite révisées périodiquement (au moins tous les cinq ans).

Les acteurs impliqués dans l’élaboration de chaque norme le sont au cas par cas. Grandes entreprises, experts, PME, société civile, … tout dépend du sujet traité et des volontés des parties prenantes. Des commissions de normalisation sont créées et animées par les bureaux de normalisation sectoriels ou par AFNOR, qui assure également la coordination d’ensemble.

À l’échelle internationale, c’est l’AFNOR qui participe aux travaux et défend les intérêts français en tant que membre des associations de normalisation européenne (CEN et CENELEC) et internationale (ISO et IEC).

Normalisation : organisation internationale

La normalisation est un outil de veille pour innover

La veille est une des activités importante du management de l’innovation. Il est important de surveiller régulièrement l’avancée des normes pouvant impacter son secteur d’activité. Encore davantage quand on participe aux travaux des commissions de normalisation, il est possible d’utiliser les normes comme des signaux faibles de l’évolution probable d’un secteur. Les commissions de normalisation sont précisément le lieu où s’expriment (s’opposent parfois) les intérêts, exigences, souhaits des principaux acteurs. Aucun effort donc ou presque pour alimenter un benchmark efficace !

Sans efforts ou presque, la normalisation alimente un benchmark efficace

Ai-je intérêt à participer aux travaux qui établissent les normes ?

Déjà, sachez que vous serez bien reçus si vous frappez à la porte de l’AFNOR pour participer à des travaux de normalisation ou pour proposer un sujet de travail sur lequel n’existe pas encore de norme.

La normalisation. J'y vais ou pas ?
La normalisation. J’y vais ou pas ?

Malheureusement, si les coûts ne sont pas exorbitants, ils existent et la participation aux commissions de normalisation n’est pas gratuite. S’agissant de normes volontaires, les participants à des commissions payent des frais qui couvrent la logistique et l’organisation des travaux.

Des études ont été réalisées pour savoir si la participation aux travaux de normalisation a un impact positif sur le chiffre d’affaire d’une entreprise. L’AFNOR a notamment beaucoup communiqué sur une étude commanditée en 2016 auprès du BIPE qui évoque un surcroit de chiffre d’affaires de 20%. Cause ou corrélation ? En tous les cas il semble bien que les entreprises les plus actives dans le domaine de la normalisation comptent parmi les plus performantes économiquement.

Quels avantages concrets tirer de la participation à des commissions de normalisation ? Tout d’abord être au bon endroit, au bon moment, avec le bon produit ou le bon service. Ces commissions permettent de mieux comprendre les besoins de ses clients et d’anticiper leurs demandes. Autre bénéfice peut-être moins évident : la réduction des coûts par l’optimisation de l’utilisation et de la maintenance des installations, l’harmonisation des outils de production, la réduction de certaines consommations (eau, énergie) grâce aux normes de systèmes de management environnemental et énergétique.

J’ai participé récemment à une table ronde organisée par l’AFNOR où plusieurs chefs d’entreprise ont pu expliquer ce que leur avait apporté leur participation aux travaux de commissions de normalisation. Le dirigeant de Fusiotech, une PME permettant l’installation de salles hypoxie (pauvre en oxygène), a par exemple expliqué concrètement comment son développement commercial était porté par sa participation active à la commission élaborant les nouvelles normes sur son marché.

La norme est donc un élément souvent important de la stratégie d’innovation. Elle permet de raccourcir la mise sur le marché et la diffusion de la nouveauté. Les entreprises les plus performantes gèrent avec beaucoup de finesse leur propriété intellectuelle, entre normes, titres de propriété comme le brevet ou encore secret de fabrication.

Pour en savoir plus

Les normes, ce n’est bien sur pas que la qualité mais c’est souvent par la qualité qu’on est confronté aux normes. Ci-dessous un de mes ouvrages de chevet, la qualité dans les services :

Pour en savoir plus sur les normes existantes et à venir, l’AFNOR a créé un site à la fois pratique et complet : Norminfo. Allez y faire un tour et tapez simplement dans la barre de recherche un ou plusieurs mots clé. Un must !

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Le secteur de la santé est riche en normes…

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