PME et innovation. La saga GrimpéÔ, acte 2. Le manque de ressources.

Nous retrouvons la PME Grimpéo, son dirigeant Michel et sa responsable du bureau d’étude, Lucie. Nous allons voir dans ce nouvel épisode de notre saga, qu’en matière d’innovation, les bonnes intentions ne suffisent malheureusement pas et que le manque de ressources est souvent à l’origine des problèmes … Cela fait déjà un an que Lucie est en poste et poursuit avec détermination la mise en place d’un véritable management de l’innovation au sein de l’entreprise.

Lucie s’intègre sans difficulté dans cette entreprise familiale. Elle a même été récemment invitée, par Michel lui-même, au traditionnel repas familial d’avant pâques, servi tous les ans dans la maison de campagne du Touquet. A cette occasion, Lucie a pu entendre elle-même cette fameuse anecdote où Lucien, le patriarche fondateur de l’entreprise, s’est joué des autorité pendant la guerre pour conserver son matériel de production. Pour être complet, il faut ajouter que Michel et sa femme Norah n’ont pas d’enfant mais ont récemment embauché leur neveu Tom, qui travaille pour l’instant dans l’atelier. L’arrivée de Tom n’est pas complètement étrangère à la volonté d’intégration de Lucie … Mais c’est une histoire dont nous reparlerons …

Beaucoup de nouvelles idées …

L'arrivée de Tom, le neveu de Michel, a semblé renforcer l'implication de Lucie ...
L’arrivée de Tom, le neveu de Michel, a semblé renforcer l’implication de Lucie …

Acharnée à renforcer la capacité d’innovation de l’entreprise, Lucie collecte des idées à tous les niveaux de l’entreprise mais également en dehors. Elle rencontre régulièrement les différentes équipes de l’entreprise, production, commercial, administratif et bien sûr, son propre service le bureau d’études. Les idées suggérées par ses collaborateurs, tant sur les nouvelles offres à lancer que sur la façon de travailler sont, le plus souvent, pertinentes et pleines de bon sens.

Lucie ne ménage vraiment pas ses efforts pour compenser le manque de ressources. Elle participe à de nombreuses manifestations, entretient une veille permanente au niveau technique mais également auprès des clients de l’entreprise. Elle a réussi à convaincre Michel de faire adhérer l’entreprise au pôle de compétitivité « FiatLux 3.0 » qui fait travailler ensemble des laboratoires et des entreprises sur des projets collaboratifs de recherche, sur le thème du contrôle des ambiances lumineuses à l’intérieur des maisons et bâtiments (éclairages, rideaux,…). L’entreprise mobilise donc l’ensemble de son écosystème et les idées émergent régulièrement.

 

http://www.lescahiersdelinnovation.com/2016/02/le-cluster/

 

… qu’il faut transformer en projets

la bonne idée sélectionnée

Face à cet afflux d’idées neuves, Lucie tente de mobiliser la direction afin de les concrétiser. Elle présente ainsi une sélection des meilleures idées en comité de direction. Michel, malgré les mauvaises expériences passées, ne peut résister à l’enthousiasme de Lucie et accepte de lancer un nouveau projet. Il s’agit d’un rideau à propriétés acoustiques renforcées. L’idée séduit également le bureau d’études. Le feu vert est donc donné et Lucie, gonflée à bloc, est bien décidée à faire de ce projet une réussite et ainsi démontrer que l’innovation doit être un pilier essentiel du développement de l’entreprise.

Lucie, responsable du BE, lutte contre le manque de ressources inhérent aux PME
Lucie, responsable du BE depuis l’année dernière, a convaincu Michel de se lancer dans un nouveau projet

En regardant son agenda, nous sommes le 1er avril et Lucie se rend compte que le mois est particulièrement chargé. La nouvelle collection doit sortir et les déplacements chez les fournisseurs sont nombreux. Raisonnablement, elle repousse donc les premiers travaux, 30 jours plus tard. Le mois passe et Lucie peut enfin prendre quelques heures pour bosser sur son projet. Elle entame un benchmark et étudie les solutions techniques potentielles. Tirant profit des expériences précédentes, elle sait qu’il faut faire attention à ne pas se focaliser uniquement sur les aspects techniques et elle sollicite des utilisateurs potentiels afin de valider l’existence du besoin. Ces premiers travaux ont pris plus de temps que prévu… 2 mois sont passés avant qu’elle ne puisse formaliser un premier rapport d’étape. Nous sommes début juillet et Lucie se tourne alors vers son BE afin de lancer un premier prototype.

Les jours passent …

Mais les vacances approchent et l’équipe est débordée avec les demandes pressantes des clients. En effet, la dernière collection fonctionne bien, les commandes affluent et les dossiers de nouvelles offres à proposer s’accumulent. Priorité aux commandes… le projet attendra. 2 mois de plus se passent avant que le BE ne puisse dégager du temps sur ce projet innovant. Un premier proto doit être fabriqué mais il nécessite l’achat de tissus techniques à plusieurs centaines d’euros du m². De plus, un centre technique doit être mandaté pour la mise en œuvre.

Une recherche d’antériorité doit également être menée ainsi qu’une validation quantitative du potentiel du marché. Bref, un premier budget de 40 k€ doit être dégagé pour l’ensemble de cette phase de faisabilité. Lucie décide donc de l’exposer à François, le DAF. Ce dernier lui indique rapidement qu’aucune ligne budgétaire n’a été prévue pour ce projet. Une réunion avec Michel est donc calée… 1 mois plus tard soit début octobre.

Un an pour rien ?

le premier budget

Cette réunion tombe bien pour Michel car il souhaitait justement faire le point sur l’avancement de ce projet. 7 mois se sont passés depuis que la décision de lancer le projet a été prise. Michel s’impatiente car rien de concret n’est encore sorti de ce projet. C’est l’occasion pour Lucie de présenter les premiers travaux menés ainsi que les travaux à venir et le budget correspondant. 40 k€…c’est une somme pour une PME mais avec l’aide de BPIFrance, le budget à fournir n’est plus que de 20 k€ et devant des premiers résultats encourageants, Michel accepte d’allouer le budget restant.

On peut se le permettre, l’année est plutôt bonne !

Michel Vandenroden

Lucie lance donc cette phase de faisabilité en décembre… 2 mois plus tard. Il a fallu en effet déposer une demande auprès de BpiFrance et en attendre l’accord. Le prototypage et les essais acoustiques sont réalisés. L’étude quantitative également. Le potentiel commercial est validé mais les résultats techniques ne sont pas totalement à la hauteur des espérances. La dimension esthétique est également en question. Il faut donc relancer une nouvelle série d’essais…

l’impasse …

Une nouvelle réunion est organisée avec Michel et François…, 1 mois plus tard. Avec le délai de la faisabilité, le projet approche de son premier anniversaire… 12 mois depuis la décision du lancement du projet. Michel, bien que toujours convaincu de l’intérêt du projet, souhaite attendre d’avoir une meilleure visibilité sur l’année qui vient, avant de décider d’allouer une rallonge budgétaire.

Chacun reprend ses occupations et les mois continuent de passer… Les relations entre Tom et Lucie deviennent moins « professionnelles » et le travail ne manque pas. Entre les nouvelles collections, les retours clients toujours aussi nombreux, les problèmes récurrents de production et de livraison, les absences inopinées de collaborateurs, les audits qualité, les salons… la vie quotidienne d’une PME laisse peu de temps pour conduire le projet. Parfois, un collaborateur du bureau d’études, de l’administratif ou de la production demande ce qu’il en est du projet de rideau acoustique… On leur répond qu’il est toujours en cours…

Analyse

Les ressources d’une entreprise sont dédiées à son exploitation. Production, commerce, gestion forment son quotidien et visent le court terme. Hors, l’innovation vise le moyen voire le long terme…
Le manque de ressources est l’un des principaux obstacles à l’innovation, notamment dans les PME. Les ressources sont de plusieurs natures :

  • le temps : la principale ressource manquante, c’est bien le temps. Les équipes sont débordées et le quotidien reprend toujours le dessus. Dès lors, les projets n’avancent pas car il y a toujours mieux et plus urgent à faire.
  • l’argent : le budget annuel intègre rarement une ligne innovation. Pourtant, même de façon modeste, les projets nécessitent des moyens financiers dédiés.
  • les compétences : les projets innovants nécessitent le plus souvent des compétences extérieures, au niveau technique, commercial ou juridique. Accéder à ces compétences nécessite du temps et du budget supplémentaire.

PME et manque de ressources, l’avis du spécialiste

Anthony est le dirigeant du cabinet Global Vision
Anthony est le dirigeant du cabinet Global Vision

Le manque de ressources pour innover est le problème n°1 des PME. Il est nécessaire de dédier systématiquement des ressources à l’innovation : du temps et du budget. En fonction de ses ambitions et de ses moyens, un portefeuille de projets peut être défini, associé à un budget temps et coût. Le management de l’innovation doit être ancré dans les usages et sanctuarisé par la direction. L’organisation, les processus, les fiches de poste, etc. doivent être adaptés à l’innovation.

L’innovation est un investissement pour l’avenir de l’entreprise et comme tout investissement, des ressources adaptées doivent être allouées.

Anthony Beaudier dirige le cabinet Global Vision, spécialisé en innovation ouverte. Diplômé de troisièmes cycles en commerce international et en marketing, il dispose de nombreuses expériences en développement commercial notamment dans le domaine des services aux entreprises. Il a développé une expertise dans le management de l’innovation et en open innovation.

Pour en savoir plus …

Voici quelques ouvrages intéressants sur le thème de l’innovation en PME. N’hésitez pas à partager et à me dire si j’en ai oublié.

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