Si vous vous intéressez à l’innovation, vous avez sans doute été au moins une fois confronté aux fameux TRL (en anglais technology readiness level, ce qui peut se traduire par niveau de maturité technologique). Cette échelle permet de donner une information sur la « proximité avec le marché » d’une technologie. En est-on encore à la formulation des principes sur lesquels se base notre idée ou bien l’avons-nous déjà testée sur des installations pilotes par exemple ? Pour en avoir une idée précise, on utilise donc des TRL qui sont gradués de 1 à 9 (on parle « d’échelle TRL »). L’échelle TRL est particulièrement employée par les organismes finançant la recherche technologique et l’innovation (comme par exemple feu le programme européen H2020). Cela se sait peu mais l’échelle TRL a d’abord été utilisée par les agences gouvernementales américaines d’être adoptée un peu partout dans le monde.
- Dans cet article
- Technologie ou innovation ?
- Le besoin d'un référentiel commun
- Les TRL selon le DoD (Department of Defense)
- Utiliser les TRL pour trouver les meilleurs financements
- Pour une lecture plus simple des TRL
Technologie ou innovation ?
Tout d’abord mes excuses pour le titre un brin mensonger. Les TRL ne qualifient pas l’innovation mais la maturité d’une technologie. Encore et toujours, la confusion est dans toutes les têtes entre recherche, technologie et innovation et les pouvoirs publics, par leurs systèmes de financement, ne font qu’aggraver la situation.
J’ai l’impression de revenir aux premiers articles de ce blog, quand je m’échinais à faire comprendre que non, décidément, l’innovation n’avait pas forcément de lien avec la recherche ou avec la R&D. Ceux qui interprètent mal les TRL peuvent penser, comme il y a plus de 20 ans, que l’innovation commencerait dans l’esprit génial d’un chercheur (niveaux 1-2), continuerait sur sa paillasse (3 -4) avant d’aboutir après bien des péripéties à un produit commercialisable à l’étape 9.
Le besoin d’un référentiel commun
On peut critiquer le résultat mais pas l’intérêt de disposer d’un référentiel commun. On peut trouver les niveaux inutilement nombreux ou au contraire pas assez précis. Quoique similaires, plusieurs définitions co-existent et sont utilisées par différentes agences. Les définitions les plus communément employées sont celles utilisées par le Département de la Défense des États-Unis (DoD) et l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (NASA).
En 2013, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) publie un nouveau standard (ISO 16290:2013) définissant les niveaux de maturité technologique et leurs critères d’évaluation, plutôt orienté pour le domaine spatial, même si les définitions et exemples donnés peuvent s’utiliser beaucoup plus largement.
Les TRL selon le DoD (Department of Defense)
Rendons donc aux Américains ce qui leur appartient (ici les TRL) et tournons-nous vers la définition des niveaux donnée par le Department of Defense. Accrochez-vous !
Niveaux | TRL | Description |
---|---|---|
1 | Principes de base observés et rapportés | Plus bas niveau de maturité technologique. La recherche scientifique commence à se traduire en recherche appliquée et développement. Les exemples peuvent inclure des études papiers des propriétés de base d’une technologie. |
2 | Concepts ou applications de la technologie formulés | L’invention débute. Une fois les principes de base observés, les applications pratiques peuvent être inventées. L’application est spéculative et il n’y a aucune preuve ou analyse détaillée pour étayer cette hypothèse. Les exemples sont toujours limités à des études papier. |
3 | Fonction critique analysée et expérimentée ou preuve caractéristique du concept | Une recherche et développement active est initiée. Ceci inclut des études analytiques et des études en laboratoire afin de valider physiquement les prévisions analytiques des éléments séparés de la technologie. Les exemples incluent des composants qui ne sont pas encore intégrés ou représentatifs. |
4 | Validation en laboratoire du composant ou de l’artefact produit | Les composants technologiques de base sont intégrés afin d’établir que toutes les parties fonctionnent ensemble. C’est une « basse fidélité » comparée au système final. Les exemples incluent l’intégration ‘ad hoc’ du matériel en laboratoire. |
5 | Validation dans un environnement significatif du composant ou de l’artefact produit | La fidélité de la technologie s’accroît significativement. Les composants technologiques basiques sont intégrés avec des éléments raisonnablement réalistes afin que la technologie soit testée dans un environnement simulé. Les exemples incluent l’intégration ‘haute fidélité’ en laboratoire des composants. |
6 | Démonstration du modèle système / sous-système ou du prototype dans un environnement significatif | Le modèle ou le système prototype représentatif (bien au-delà de l’artefact testé en TRL 5) est testé dans un environnement significatif. Il représente une avancée majeure dans la maturité démontrée d’une technologie. Les exemples incluent le test d’un prototype dans un laboratoire « haute fidélité » ou dans un environnement opérationnel simulé. |
7 | Démonstration du système prototype en environnement opérationnel | Prototype dans un système planifié (ou sur le point de l’être). Représente une avancée majeure par rapport à TRL 6, nécessitant la démonstration d’un système prototype dans un environnement opérationnel, tel qu’un avion, véhicule… Les exemples incluent le test du prototype sur un avion d’essai. |
8 | Système réel complet qualifié à travers des tests et des démonstrations | La preuve a été apportée que la technologie fonctionne sous sa forme finale et avec les conditions attendues. Dans la plupart des cas, cette TRL représente la fin du développement de vrais systèmes. Les exemples incluent des tests de développement et l’évaluation du système afin de déterminer s’il respecte les spécifications du design. |
9 | Système réel prouvé à travers des opérations / missions réussies | Application réelle de la technologie sous sa forme finale et en conditions de mission, semblables à celles rencontrées lors de tests opérationnels et d’évaluation. Dans tous les cas, c’est la fin des derniers aspects de corrections de problèmes (bug fixing) du développement de vrais systèmes. Les exemples incluent l’utilisation du système sous conditions de mission opérationnelle. |
Voilà, tout parait bien logique et ordonné mais j’ai toujours trouvé qu’un tel niveau de détail était inutilement complexe pour la plupart des projets.
Utiliser les TRL pour trouver les meilleurs financements
Si vous êtes une entreprise, et a fortiori une PME, il est probable que vous soyez à la recherche de financement pour les niveaux TRL 3 et plus de vos projets. A contrario, si vous êtes un laboratoire de recherche, c’est souvent pour le financement des hases 1 à 4 que la redoutée ANR vous demandera de candidater à ses innombrables appels à projets.
Il est donc possible d’utiliser les TRL comme un outil pour s’orienter dans le maquis (c’est l’expression consacrée, que je déteste tellement que je l’utilise 🙂 ) des aides et financements publics. Je reproduis ci-dessous un graphique proposé par le très bon cabinet Erdyn.
Pour une lecture plus simple des TRL
Pour une lecture plus simple des TRL, on peut se contenter de répérer les grandes étapes suivantes, que tout le monde comprendra aisément :
- idée
- prototype
- validation
- production
En adaptant la grille proposée par le projet CloudWatch, cela donne la représentation ci-dessous :
Si ce tableau vous parait encore un peu trop détaillé, vous pouvez simplifier de nouveau la lecture des TRL ne ne gardant que 3 phases :
- recherche
- développement
- déploiement
D’expérience c’est très grandement suffisant dans la plupart des cas (à moins que vous ne soyez expert en transfert de technologie et ne fassiez votre miel d’arguties absconses pour la plupart de vos contemporains 🙂 ).
6 commentaires sur “Qualifier l’innovation, comprendre les TRL”
Les techniques et processus d’innovation, fondamentaux dans le domaine entrepreneurial, sont des outils essentiels pour développer des produits ou des services novateurs répondant aux besoins du marché. L’innovation est définie comme le processus de création, de développement et d’introduction de nouvelles idées, produits ou méthodes dans un domaine particulier. Ces techniques et processus permettent de comprendre les besoins du marché et des utilisateurs, de générer des idées créatives, de développer et d’affiner des concepts novateurs, de valider et de tester ces idées auprès des utilisateurs, de gérer le risque et l’incertitude associés à l’innovation, et enfin, de favoriser la collaboration et le travail d’équipe pour stimuler la création d’idées novatrices. En les maîtrisant, les entreprises peuvent maximiser leurs chances de succès sur le marché et rester compétitives dans un environnement en constante évolution. Ces processus permettent également de minimiser les erreurs coûteuses en évaluant les idées avant leur mise en œuvre, d’améliorer la satisfaction des clients en répondant à leurs besoins spécifiques, et de renforcer la culture de l’innovation au sein de l’organisation en encourageant la créativité et la collaboration entre les membres de l’équipe.
Je suis d’accord avec vous en tout point Gilles !
Bonjour, TOP. Peut-on réutiliser l’image de la représentation issue de la grille proposée par le projet CloudWatch ? Qui doit-on citer pour la propriété intellectuelle (les cahiers de l’innovation ? CloudWatch ?) Merci d’avance pour votre réponse !
Bonjour Laurence,
le mieux est de citer le « projet Cloudwatch ». La première rédaction de cet article date un peu et je n’ai plus le lien où j’ai trouvé cette image, désolé.
Merci Jean Pierre pour cet article intéressant. Il est toujours utile d’avoir des repères dans le développement d’un produit pour savoir où on en est.
On pourrait ajouter à cette séquence plusieurs commentaires :
– les aller-retours peuvent être nombreux avant d’arriver au résultat final. Ce n’est pas toujours linéaire …
– on peut rentrer dans le processus à différents niveaux (création totale, achat de brevet, etc …)
A bientôt,
Laurent du blog https://innover-malin.com/
tout à fait d’accord avec toi. C’est la vision linéaire « recherche –> innovation » qu’on retrouve ici. Tout le monde sait qu’elle est fausse (ou en tous les cas très insuffisante) mais on la garde parce qu’elle est facile à comprendre et parait logique 🙂