Puisque même les chroniqueurs mainstream s’y mettent et alors que Bernard Stiegler compare la disruption à une « barbarie soft », posons-nous également la question : quelle est la prochaine technologie disruptive qui entrera révolutionnera notre vie et, peut-être, volera notre emploi ? Les paris sont lancés, voici déjà quelques prétendantes.
Les implantables (prononcer « imm’plante’èbeul »)
On pensait qu’en 2018 tout le monde porterait une smartwatch (pensez, c’est quand même vachement pratique d’avoir une montre qui bippe quand on reçoit un mail …) et bien on s’est trompé. Personne de sensé ne porte plus ces objets immondes qui vont font ressembler à un adolescent un peu geek et elles ont rapidement été remisées dans le placard ou sur l’étagère, à côté du Faucon Millenium qui nous semblait tellement indispensable à 13 ans. Le manque de fonctionnalités a semble-t-il freiné le développement de tout le marché des « wearables » (en gros, les machins connectés qu’on porte en objet, bijou ou vêtement).
Puisque les wearables ont manqué leur cible, il semble que ce soit maintenant les « implantables » qui aient le vent en poupe (les « implants », mais rien à voir avec Jérôme Cahuzac). Que ce soit pour offrir des services nouveaux (« je paie mon ticket de métro en approchant mon poignet de la borne de contrôle ») ou bien pour apporter des informations de santé ou de localisation, il paraîtrait que près de 50 000 personnes aient déjà une puce RFID implantée dans leur corps. Êtes-vous prêt à « augmenter » les capacités de votre corps biologique, à subir des mises à jour système intempestives et à mettre au chômage les laboratoires d’analyse médicale et les contrôleurs de billets SNCF ?
Les robots collègues
Fini le temps où les robots n’étaient que sur les chaînes de production. Ils commencent à être embauchés pour un grand nombre de fonctions et on voit apparaître les sobots (« social robots »), capables de lire les émotions et de parler.
Utilisés comme assistants, compagnons ou objets comblant notre vide affectif, certains se demandent aujourd’hui s’il ne faut pas leur accorder un statut juridique en bonne et due forme.
Les bots prennent le contrôle
La performance des chatbots a connu une amélioration incroyable ces dernières années, portée par les progrès de l’intelligence artificielle. Bien sur les chatbots sont utilisés dans le domaine de la relation clients depuis longtemps mais ils sortent progressivement de cette niche, en même temps qu’ils y deviennent incontournables. La conversation avec un chatbot n’atteint pas encore l’intérêt poli suscité par les souvenirs d’Indochine de pépé Raymond à chaque repas de famille mais on y est presque.
Les nouveaux chatbots s’occuperont de la réservations des billets ou de la recherche d’informations et renverront les navigateurs et applications aux oubliettes. Ils représentent des potentiels énormes d’affaires, de business pour les entreprises qui sauront profiter de la confiance progressive des consommateurs dans de telles applications.
Les formes de vie génétiquement modifiées
En génétique, les Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats (« Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées »), plus fréquemment désignées sous le nom de CRISPR (acronyme prononcé /ˈkrɪspəʳ/), sont des familles de séquences répétées dans l’ADN. Le système CRISPR-Cas9, d’abord utilisé pour typer des souches de bactéries est récemment devenu un outil de génie génétique à fort potentiel. Cette technique de forçage génétique pourrait transformer absolument le monde de la nature et les rapports des humains avec celui-ci.
Avec les techniques de modification génétiques accessibles de chez soi et vendues sous formes de kits, c’est tout le vivant qui va être rapidement impacté, à mesure que de nouvelles formes de vie vont être créées partout, par plein de scientifiques en herbe animés d’intentions plus ou moins bonnes. Pas sur que la biodiversité en sort gagnante. Notre sécurité, elle, est déjà menacée.
L’impression 3D à l’échelle industrielle
La taille et la vitesse des imprimantes 3D ont progressé exponentiellement. Une mauvaise nouvelle a certes frappé récemment une startup prometteuse des Hauts-de-France positionnée sur le grand public mais les imprimantes 3 géantes révolutionnent par exemple le secteur du bâtiment avec la construction en quelques heures et à coûts modiques de maisons entières ou de bâtiments. Si l’impression 3D était encore il y a peu une simple promesse ou une démonstration technique, elle entre dans de plus en plus de process industriels complexes. L’impression 3D de voitures semble encore loin, malgré les expérimentations récentes, mais de plus en plus de composants personnalisables utilisent cette technologie.
L’IA va mettre les cadres au chômage
Ceux qui pensaient qu’un métier qualifié était la meilleure garantie contre la perte d’emploi vont en être pour leurs frais. Tous les « gens intelligents » qui travaillent sur des modèles ou de l’analyse de données sont menacés à très court terme : votre fille veut devenir juge ? Découragez-la. Votre fils rêve d’être médecin ? Convainquez-le de n’en rien faire. Et surtout qu’il ne se rabatte pas sur le métier de journaliste, notaire, avocat, traducteur ou secrétaire. Couplés à l’avancée de la robotique, les progrès de l’intelligence artificielle vont vite donner des sueurs froides aux conseillers d’orientation (enfin aux programmes qui vont eux aussi les remplacer).
Les ordinateurs quantiques
Bon c’est vrai, ça fait longtemps qu’on en parle. Même si on n’attend pas d’ordinateur quantique à un prix abordable avant 2020 au moins, des travaux sont conduits pour trouver des applications aux technologiques quantiques existantes.
Au fait, c’est quoi un ordinateur quantique ? Un ordinateur quantique utilise les propriétés quantiques de la matière, telle que la superposition et l’intrication afin d’effectuer des opérations sur des données. À la différence d’un ordinateur classique basé sur des transistors qui travaille sur des données binaires (codées sur des bits, valant 0 ou 1), le calculateur quantique travaille sur des qubits dont l’état quantique peut posséder plusieurs valeurs. a quoi ça sert ? Tout simplement à dépasser les limites technologiques que nous sommes en train d’atteindre pour la fabrication des processeurs d’ordinateurs. L’empirique loi de Moore prédit que la taille des transistors approchera celle de l’atome à l’horizon 2020. Dès 2015, Intel s’est heurté à des difficultés inattendues lui faisant retarder de six mois sa série Skylake gravée en 14 nanomètres, premier retard constaté sur la célèbre loi. Sous les 8 nanomètres, des effets quantiques vont perturber le fonctionnement des composants électroniques. La construction (éventuelle) de grands calculateurs quantiques (plus de 300 qubits) permettrait de faire certains calculs plus vite qu’un ordinateur classique plus grand que l’univers observable lui-même.
Une telle capacité de calcul, quand elle deviendra abordable, aurait un impact absolument vertigineux sur de nombreux business models.
Des voitures sans chauffeur Boulevard Jean Jaurès
Les investissements pour le développement de véhicules autonomes ont été gigantesques ces dernières années. Tous les constructeurs classiques s’y sont mis, ont développé des prototypes et ont commencé à rattraper leur retard sur Google et Tesla. En parallèle, des mastodontes comme Uber ont avancé sur leurs pieds d’argile pour expérimenter la mise en place d’un réseau de taxis sans chauffeurs. La personne tuée lors d’un accident impliquant un taxi Uber a fait grand bruit et, même si les circonstances sont encore inconnues, les utilisateurs vont encore avoir besoin de quelques années avant de remettre aveuglément leur vie dans les mains de René plutôt que dans celles, inexistantes, d’un algorithme.
En attendant, poussée par une logique économique incontournable, la technologie va s’introduire sur ce marché via le fret et le transport routier.
La blockchain n’emm**** pas que les banques
Le potentiel perturbateur de la blockchain n’est pas limité au secteur bancaire et à la création de cryto-monnaies comme le bitcoin, cauchemars des banques commerciales traditionnelles et des banques centrales. Sécurité, mode, musiques, tous les secteurs sont concernés. A long terme, c’est la façon dont chacun de nous est identifié pour ses transactions ou opérations qui sera impacté.
Les robots auto-apprenants
De nombreuses recherches ont eu lieu ces dernières années pour voir comment les robots pouvaient apprendre les uns des autres. Les exemples sont nombreux aujourd’hui où deux bots communiquent et échangent de l’information. Des réseaux de robots permettent également l’auto-apprentissage, chacun d’eux pouvant se servir de cette mise en commun de connaissances comme d’une base dans laquelle il va chercher les informations qui lui manquent et les « apprennent ».
De nombreuses préoccupations éthiques émergent cependant, que ce soit pour s’inquiéter des dangers pour l’homme de l’émergence de ce qui pourrait finir par ressembler à une forme de conscience ou d’indépendance, ou pour accorder à ces robots un statut ou une existence juridique.
La réalité virtuelle devient une réalité commerciale
La réalité virtuelle a longtemps été cantonnée au secteur du loisir ou du jeu vidéo. Après une incartade remarquée dans le domaine de la pornographie, ce sont maintenant les secteurs de l’éducation et de la santé qui se mettent à utiliser intensément la réalité virtuelle.
L’immobilier et le tourisme ne sont pas en reste. Quel que soit votre secteur, il est quasiment certain que la réalité virtuelle y jouera un rôle plus ou moins rapidement. Réfléchissez donc dès aujourd’hui comment vous pourriez vous saisir de ces opportunités pour améliorer votre marketing, l’expérience de vos clients ou encore votre productivité.
Les choses prennent le contrôle d’Internet
Parmi ce qui se connecte à Internet, les humains sont déjà minoritaires et la tendance s’accélère. De votre tondeuse à votre brosse à dent, du stéthoscope de votre médecin au biberon de votre bébé, rien n’échappe à la connexion, en attendant les voitures et la « maison intelligente ».
Avec l’émergence des smart cities (« villes intelligentes ») et de l’internet des objets pour l’industrie, ce sont les styles de vie de chacun et les business models des entreprises qui vont être durablement impactés. Cette année, les entreprises vont une fois de plus tout faire pour tirer profit des changements qu’implique cette nouvelle donne et des droits de plus en plus importants donnés aux citoyens pour connaître et contrôler les données qu’ils produisent.
Pour en savoir plus
https://www.lescahiersdelinnovation.com/linnovation-de-rupture-cest-quoi/
- TBWA : le mot disruption est devenu une façon d’exprimer un résultat
- quelques ouvrages
[asa_collection tpl=book, items=5, type=random]innovation[/asa_collection]