Une entreprise doit-elle recevoir des aides financières pour innover ? Dans un monde idéal sûrement pas. Mais entre ceux qui voient dans l’intervention des pouvoirs publics l’outil pour orienter et susciter des comportements vertueux et ceux qui, désespérés du niveau des prélèvements obligatoires, se consolent en voyant leurs impôts leur revenir comme un « juste retour » des choses, il semble que ces aides financières aient de beaux jours devant elles. Outre les aides fiscales comme le CIR, les aides publiques prennent généralement la forme de subventions ou d’avances remboursables. Et si vous pensez que la subvention est toujours préférable, peut-être devriez-vous y penser à deux fois.
Tu préfères que je te donne 50€ ou que je t’en prête 100 ? A cette question, la plupart répondront qu’ils préfèrent obtenir un « don », même moindre, plutôt qu’une « dette » qu’ils devront rembourser, avec ou sans intérêt. Même si c’est contre-intuitif, il est pourtant des situations où l’avance remboursable est plus avantageuse. Cela est dû d’une part au traitement comptable des subventions et des avances remboursables et d’autre part aux délais d’obtention de ces différentes aides. Une subvention n’a pas le même impact comptable qu’une avance remboursable sur les comptes de l’entreprise. Elle n’a donc pas non plus les mêmes conséquences sur l’imposition de ses bénéfices par exemple.
De moins en moins de subvention
C’est un fait : les aides accordées aux entreprises qui innovent prennent de moins en moins la forme de subvention.Tu préfères que je te donne 50€ ou que je t’en prête 100 ?. L’état et les collectivités, aux marges de manœuvre budgétaires de plus en plus réduites, abandonnent progressivement la subvention aux profit de modes d’intervention qui leur permettent de soutenir davantage de projets et d’entreprises, via les remboursements. Seule l’Europe continue à intervenir massivement en subvention, faisant fi avec aplomb des règles qu’elles impose à tous avec sévérité.
https://www.lescahiersdelinnovation.com/la-nouvelle-grille-danalyse-de-linnovation-bpifrance/
Si nous pouvons nous désoler de cette évolution, il est aussi possible de relativiser en s’intéresser avec précision au traitement comptable de la subvention.
Le traitement comptable de la subvention
Tout d’abord, comprenons qu’il y a deux types de subvention : les subventions d’investissement et les subventions de fonctionnement. Cette dernière peut par exemple aider une entreprise dans le cadre d’un projet d’innovation et se calculer comme un pourcentage de certaines dépenses (des salaires, des tests, des prototypes, …). La subvention d’investissement permet quant à elle à une collectivité d’aider au financement de biens d’équipement par l’entreprise (par exemple : un matériel durable de recherche, un immeuble, …).
Lorsqu’une entreprise reçoit une subvention, elle doit évidemment l’inscrire dans ses comptes (sinon, ce serait un peu trop simple …). Celui qu’il s’agit d’une subvention d’investissement ou d’exploitation, elle l’inscrira dans un compte de bilan (les comptes qui commencent par 1, 2, 3, 4 ou 5) ou dans un compte d’exploitation / de résultat (les comptes qui commencent par 6 ou 7). Pour faire simple, on peut dire que tout ce qui concerne le fonctionnement ou l’exploitation s’inscrit au compte de résultat et que tout ce qui demeurera dans l’entreprise au delà d’un exercice s’inscrit au bilan.
Notons pour être précis que les subventions d’investissement peuvent être comptabilisées dans certains cas en produit exceptionnel (compte de résultat) et ainsi on revient au traitement comptable et fiscal de la subvention d’exploitation. Le plus souvent, elles entrent dans les capitaux propres (compte de bilan).
Subvention d’investissement
Au niveau des subventions d’investissement, la première opération à traiter en comptabilité concerne son encaissement par l’entreprise.
- on débite le compte 512 « banque »,
- on crédite le compte 131 « subvention d’équipement ».
Fiscalement, la réception de la subvention d’investissement n’a pas de conséquence directe sur le résultat imposable de l’entreprise car seuls des comptes du bilan comptable sont mouvementés. La subvention d’investissement fait ensuite l’objet d’une intégration au résultat comptable au même rythme que l’amortissement du bien dont l’acquisition est financée. La comptabilisation des subventions d’investissement se déroule ainsi :
- leur réception par l’entreprise est inscrite en capitaux propres au passif du bilan (donc au crédit) dans le compte 131, par le débit du compte bancaire,
- et les reprises annuelles de la quote-part de subvention sont inscrites en compte 77 (par le débit du compte 131, qui sera donc diminué).
Exemple : une entreprise touche une subvention d’investissement pour financer l’achat d’un bien amorti en comptabilité sur 10 ans. Chaque année, elle devra intégrer en produit 10% de la subvention reçue dans son compte de résultat. Fiscalement, l’entreprise est donc imposée chaque année sur le montant de la reprise de la subvention d’investissement qui est virée au compte de résultat.
Lorsque la subvention d’investissement est totalement reprise au compte de résultat, il convient de solder les comptes :
- on débite le compte 131 « Subvention d’équipement »,
- et on crédite le compte 139 « Subvention d’investissement inscrites au compte de résultat ».
Subvention d’exploitation
En ce qui concerne les subventions d’exploitation, prenons l’exemple de l’entreprise GrimpéÔ où Lucie a obtenu le 10 mars Année N-1 la notification d’attribution d’une subvention de fonctionnement d’un montant 15 000 € au titre de l’exercice Année N-1, de la part de la Métropole Européenne de Lille.
- La convention a été signée par les parties le 28 février Année N-1.
- Un premier acompte a été perçu le 18 mars Année N-1 à hauteur de 11 250 €.
- Le solde ne sera perçu qu’après envoi des comptes annuels Année N-1, soit au cours de l’exercice Année N.
Enregistrement comptable de l’attribution de la subvention :
Nature du journal | Nature de l’opération | Date | Intitulé du compte | Débit | Crédit |
---|---|---|---|---|---|
Opérations diverses | Attribution d’une subvention | 28/02/Année N-1 | 4417 – Subventions d’exploitation à recevoir | 15 000 € | |
Opérations diverses | Attribution d’une subvention | 28/02/Année N-1 | 74 – Subventions de fonctionnement | 15 000 € |
Enregistrement de l’encaissement de l’acompte versé :
Nature du journal | Nature de l’opération | Date | Intitulé du compte | Débit | Crédit |
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Banque | Encaissement acompte subvention | 18/03/Année N-1 | 512 – Banque | 11 250 € | |
Banque | Encaissement acompte subvention | 18/03/Année N-1 | 4417 – Subventions d’exploitation à recevoir | 11 250 € |
Enregistrement de l’encaissement du solde de la subvention en 2012 :
Nature du journal | Nature de l’opération | Date | Intitulé du compte | Débit | Crédit |
---|---|---|---|---|---|
Banque | Encaissement acompte subvention | 30/06/Année N | 4417 – Subventions d’exploitation à recevoir | 3 750 € | |
Banque | Encaissement solde subvention | 30/06/Année N | 512 - Banque | 3 750 € |
Le cas délicat de la TVA
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai toujours eu beaucoup de mal à comprendre ces histoires de TVA, en particulier dans le cas des subventions. En effet, dans certains cas la subvention perçue peut être considérée comme une ressource TTC pour l’entreprise. Dans ce cas, l’entreprise doit reverser la TVA collectée ce qui diminue de 20% le montant réelle de l’aide reçue ! Le problème, c’est qu’il n’est pas toujours simple de savoir si on est dans ce cas et, si la situation n’est pas clairement exprimée par l’organisme qui finance, l’utilisation du rescrit fiscal est recommandée[ref]La procédure du rescrit fiscal général vous permet de demander à l’administration fiscale de vous expliquer comment votre situation doit être traitée au regard des règles fiscales. La réponse de l’administration, appelée rescrit fiscal est opposable sous certaines conditions.[/ref].
Une imposition plus élevée …
La subvention, c’est habiller Pierre mais souvent déshabiller Paul …Ce n’est pas fini ! Une subvention d’exploitation s’inscrit au compte de résultat et constitue un produit d’exploitation. Elle devient donc de fait une composante du résultat avant impôt et sera soumise à l’impôt (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu selon les situations). Si l’entreprise est à l’impôt sur le revenu, l’impôt dépendra du taux d’imposition du foyer fiscal du dirigeant. De plus, ce produit d’exploitation rentrera dans la base de calcul des cotisations sociales du dirigeant.
S’il s’agit d’une subvention d’investissement, inscrite au bilan, elle subira un processus comptable comparable à l’amortissement des immobilisations. Chaque année, une part de la subvention sera reversée au compte de résultat. Cette partie inscrite au compte de résultat devient un produit d’exploitation pour l’exercice. La subvention inscrite initialement diminuera graduellement. Elle disparaitra définitivement du bilan à la fin de l’exercice qui suit celui de l’annulation de sa valeur. Chaque année, la part de subvention affectée au compte de résultat entraine le phénomène décrit plus haut : elle devient une composante du résultat avant impôt. Elle rentre dans la base de calcul de celui-ci et si l’entreprise est à l’impôt sur le revenu, elle rentre dans le calcul des cotisations sociales du dirigeant.
En conclusion, le bénéficiaire d’une subvention paiera un impôt sur le montant de la subvention reçue.
Recevoir l’argent promis …
Autre point à prendre en compte, le temps de versement de la subvention. Normalement, une subvention n’est versée que justification de factures acquittées. Cela implique donc que l’entreprise aura dû faire l’avance de trésorerie le temps que les factures correspondant au projet subventionné soient réglées. Cela peut représenter des mois de décalage et peut créer surprise et frustration pour les entreprises bénéficiaires.
TVA à reverser, taux d’imposition plus élevé, temps pour recevoir l’argent de la subvention, … tout cela réduit parfois très fortement l’intérêt d’une subvention.
Et l’avance remboursable, c’est mieux ?
L’avance remboursable est traitée comme un emprunt. Elle s’inscrit donc au bilan. Cet apport financier n’est pas traité comme un produit d’exploitation et ne subit pas d’imposition fiscale. De plus, il n’est pas compris dans la base de calcul des cotisations sociales du dirigeant. Cet « emprunt » doit être remboursé à chaque exercice avec la capacité d’auto-financement dégagée par l’entreprise. En général, une entreprise obtient davantage en avance remboursable que ce qu’elle aurait eu si elle avait reçu une subvention. Ce type d’aide intervient fréquemment en relation avec des emprunts obtenus auprès de banquiers « classiques » .
Cette avance remboursable (à taux zéro ou à taux bonifiés le plus souvent) permet de réduire la charge financière de l’entreprise et facilite l’accord du banquier pour des prêts « classiques », puisque cela réduit d’autant son risque. Enfin, et cela est important, l’avance remboursable (ou le prêt à taux zéro) est généralement versé dès le démarrage du projet. Contrairement à la subvention, il n’est donc pas besoin d’attendre de pouvoir justifier de factures acquittées. Ce type d’aide est donc plus adapté pour des entreprises à la trésorerie fragile.
On l’aura compris, le désavantage apparent du remboursement n’est pas le critère essentiel pour apprécier de l’intérêt ou non de l’aide financière. Bien d’autres éléments sont à prendre en compte. Il faut se méfier des avantages en trompe-l’œil.
Pour en savoir plus
- Le site Les aides qui est une mine d’informations pour les entreprises
- la PTR (« prestation technologique réseau ») parce que bon, la subvention, c’est pas mal quand même. Une aide pouvant aller jusque 10 000 € pour les entreprises primo-innovantes. Quelques informations ici.
- le financement de l’innovation selon Mazars
- quelques ouvrages sur le financement de l’innovation
[asa_collection book, items=4, type=random]financement[/asa_collection]
- ressources sur le financement de l’innovation, dont le crowdfunding
Type de document | Thème | Détails |
---|---|---|
Crowdfunding | Support de formation (63 pages, pdf, 0,00 €) Ce document est la base d'un cours complet d'une journée sur le crowfunding. Il a été réalisé par Houria Saoudi, experte du crowdfunding interviewée dans cet article. Au programme : - état des lieux - les principes du crowdfunding et son fonctionnement - le cadre juridique - étude de cas : Kickstarter - les facteurs de succès - le déroulement d'une campagne de crowdfunding |
2 commentaires sur “Subvention ? non merci, pas pour moi …”
Jean-Pierre,
Au-delà du traitement comptable de la subvention, il y a également d’autres aspects à prendre en compte :
– La complémentarité entre les dispositifs, notamment avec les crédits d’impôt,
– Le caractère plus ou moins incitatif de l’aide,
– L’obligation de rigueur dans la gestion du projet.
Chez Global Vision, nous militons pour le mécanisme de l’avance remboursable qui prendrait en compte le succès technique ET commercial…Ce mécanisme permet couvrir la prise de risque tout en permettant un remboursement en cas de succès. Cela nécessite également un réel suivi de projet pour constater le succès ou insuccès du projet. Cette avance remboursable cumule ainsi les avantages de la subvention en termes de couverture de risque et du prêt au niveau comptable et en termes d’obligation de rigueur, tout en préservant au mieux les finances publiques…
Merci Anthony pour le commentaire.
Complètement d’accord avec toi. Les trois critères que tu ajoutes sont également à prendre en compte et permettent de contribuer à donner une vision plus juste des avantages et des inconvénients des subventions. En tant que gestionnaire de fonds d’aides à l’innovation dans le cadre de mon activité professionnelle, je ne peux qu’abonder sur l’attention à apporter au caractère incitatif de l’aide (comment croire qu’un projet avec un budget d’un million d’euros est suspendu à une décision d’attribution d’une aide de 5 k€ par exemple ?)