Biais d’endogroupe et favoritisme, comment ces réflexes nuisent à l’innovation ?

De nombreuses études semblent montrer que la diversité d’un groupe a un impact positif sur sa capacité à être créatif. Une étude de Psychology Today confirme par exemple l’utilité de rassembler des employés de différents services, filiales ou secteurs d’activité pour prendre part à des réunions de brainstorming. Je pense également à l’article publié dans Canadian Psychology « la créativité en équipe diversifiée : Une stratégie payante ? » qui a compilé un grand nombre de productions scientifiques sur ce thème et qui confirme l’importance de la diversité des membres d’une équipe, même s’il est également nuancé et qu’il souligne l’impact du management de cette équipe, par exemple selon que l’on attend du groupe des idées neuves ou des idées utiles (cf. les « ressources » ci-dessous). Alors pourquoi a-t-on l’impression parfois que les entreprises produisent surtout des clones ? Pourquoi les équipes sont-elles constituées de personnes semblant sortir d’un moule unique ? Une des raisons réside dans ce que les anglais appellent le « in-group biais » et nous, francophones, le biais d’endogroupe.

Les biais cognitifs sont très nombreux (cf. une liste exhaustive ici) et, à part en prendre conscience, il n’y a pas grand chose à faire pour en être libéré. Ils sont profondément ancrés dans nos modes de pensée et tous les monde y est soumis. Donc ne vous en voulez pas, si vous « souffrez » du biais d’endogroupe, c’est tout à fait normal.

Le biais d’endogroupe, c’est quoi ?

Il s’agit tout simplement la tendance que peuvent avoir les membres d’un groupe de mieux apprécier et de favoriser les autres membres du même groupe, par rapport aux personnes qui sont pensées comme « extérieures au groupe ». Ce biais repose donc sur notre tendance réflexe à diviser le monde en deux : les personnes qui nous ressemblent ou sont similaires à nous ((l’In-Group) et celles qui sont différentes de nous (l’Out-Group). Tendance acquise par l’évolution au fil des millénaires pour limiter le danger auquel le groupe était confronté, elle peut poser problème car elle nous pousse à favoriser presque toujours les membres du groupe qui nous ressemblent.

La notion est bien sûr assez floue parce que la notion même d’In-Group et d’Out-Group est difficile à définir. Les exemples ci-dessous peuvent être des critères sur lesquels nous nous basons pour identifier les groupes auxquels nous appartenons :

  • les membres de notre famille
  • nos amis proches, nos connaissances
  • nos coreligionnaires
  • les membres de notre genre
  • ceux qui pratiquent la même profession
  • ceux qui votent comme nous
  • les adeptes d’une même pratique sportive
  • les supporters d’une même équipe
  • nos goûts artistiques ou littéraires

Des études ont montré (ex. ici) que ce biais d’endogroupe était si profondément ancré dans notre passé évolutif que la simple vue des membres de notre groupe ou de ceux d’un groupe externe activera des régions différentes dans notre cerveau. Les attitudes, les visages, les gestes même des membres du groupe sont perçus plus positivement que ceux des membres de l’extérieur. Cela a du sens d’un point de vue évolutif, car nous avons dû développer une forte peur de l’inconnu pour éviter les dangers. Les personnes extérieures à notre groupe étant susceptibles d’être une menace car elles pouvaient être source de violence ou d’épidémie. Nous voyons donc souvent les nouvelles choses comme négatives.

Quel impact a le biais d’endogroupe sur l’innovation ?

Le biais d’endogroupe va nous inciter à aimer les idées des membres de groupes qui, par certains aspects, sont homogènes. On peut supposer que cela va plutôt favoriser le statu quo et lutter contre les remises en question.

Avec le temps, le biais d’endogroupe pourra même s’aggraver car, au fur et à mesure que les équipes vont se renouveler, les managers et recruteurs auront tendance à préférer garder ou engager de nouvelles personnes qui leur ressemblent, afin de maintenir la force du groupe. Combien de foi n’ai-je pas entendu : « dans nos recrutements, nous recherchons des personnes qui […mettre ici une qualité …]« . Les ressources humaines affirment souvent qu’elles recherchent des personnes qui correspondent à la culture (pire « à l’ADN ») de l’entreprise. Les employeurs ne recherchent pas seulement la compétence mais aussi des candidats culturellement similaires à eux-mêmes en termes de loisirs, d’expériences et de styles de présentation de soi.

c’est une très mauvaise nouvelle en matière d’innovation

La recherche montre que certaines situations sont très favorables au biais d’endogroupe. Si le simple fait de se retrouver dans un groupe constitué peut produire ce biais, il tend à s’accentuer dès lors que les membres d’un groupe sont proches les uns des autres, que le groupe apparaît stigmatisé par d’autres groupes, qu’un objectif difficile est assigné au groupe ou quand une forte cohésion du groupe est nécessaire pour atteindre un objectif quelconque.

Le biais d'endogroupe, comment s'en prémunir ?

C’est une très mauvaise nouvelle en matière d’innovation, car la recherche montre que les équipes vraiment diversifiées surpasseront des groupes plus « intelligents ». Cela signifie aussi que les idées idées générées par ces groupes seront moins variées et qu’ils évalueront spontanément négativement des idées qui viendront de personnes extérieures au groupe. Tout cela est finalement susceptible de réduire la capacité à innover de votre entreprise.

Il y a une bonne nouvelle cependant. Ce n’est pas parce que le combat est perdu d’avance qu’il ne faut pas le livrer, si ? Si vous comprenez les raisons neurologiques et biologiques qui gouvernent le biais d’endogroupe, vous réduirez son impact. Pas complètement bien sûr, mais vous le réduirez. Vous pouvez donc commencer par une discussion franche et ouverte au sein de votre groupe sur les similitudes entre ses membres et sur la façon dont vous interagissez avec l’extérieur. Mon conseil : ne restez pas à la surface des choses si vous lancez ce type de discussion. L’évidence aujourd’hui est d’insister sur les différences de genre ou de couleurs de peau. D’expérience, ce sont loin d’être les seules et elles servent souvent à masquer d’autres différences, souvent plus profondes.

Ressources sur le biais d’endogroupe

Vidéos

  • Une courte vidéo sur le biais d’endogroupe (inGroup biais en anglais)
  • Une intéressanté vidéo, un peu plus détaillée sur le biais d’endogroupe

Infographies

  • Quelques biais cognitifs parmi les plus courants
  • Un résumé très complet des biais cognitifs

Vous pouvez télécharger au format PDF le fichier détaillant l’ensemble des biais cognitifs si vous êtes membre ou lecteur des Cahiers de l’Innovation.

Publications

  • L’article de Adil Yakhloufi, Emmanuelle Brigaud, Julien Vidal et Arielle Syssau (Université de Montpellier 3, 2019), publié dans Canadian Psychology
article-Adil-Yakhloufi-Emmanuelle-Brigaud-Julien-Vidal-et-Arielle-Syssau-Univ-Montpellier

  • L’article « Insights From fMRI Studies Into Ingroup Bias » pour comprendre comment l’activation de certaines zones du cerveau est directement responsable du biais d’endogroupe (Frontiers of psychology, 2018)
insights-from-MRI-studies

Article des Cahiers

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